Hallelujah : Leonard Cohen, A Journey, A Song Documentaire musical américain de Daniel Geller et Dayna Goldfine (2021), avec Leonard Cohen, Bob Dylan, Jeff Buckley, John Cale, Judy Collins, Glen Hansard, Regina Spektor, Brandi Carlile, Rufus Wainwright… 1h58. Sortie le 19 octobre 2022.
Leonard Cohen
Le documentaire musical possède ses règles et doit donner à peu près autant à voir qu’à entendre. Certains réalisateurs lui ont donné ses lettres de noblesse, de D. A. Pennebaker avec Don’t Look Back (1967) et Monterey Pop (1968) à Martin Scorsese avec The Last Waltz (1978), George Harrison : Living in the Material World (2011) ou Rolling Thunder Revue : A Bob Dylan Story (2019). La démarche de Daniel Geller et Dayna Goldfine est quelque peu différente, dans la mesure où elle vise à évoquer une personnalité qui a disparu en plein milieu de la production du film. Contrairement à beaucoup de documentaires où tout semble écrit à l’avance et où chaque image est chargée d’illustrer un propos préétabli, Hallelujah, les mots de Leonard Cohen évoque la mémoire du barde canadien en s’attardant peu à peu autour de son titre emblématique et sur l’influence considérable qu’il a exercée à travers celles et ceux qui se le sont approprié au fil des ans, de Rufus Wainwright à John Cale et Jeff Buckley. Une chanson devenue un hymne universel dont la force d’évocation a suscité des interprétations multiples, sans échapper vraiment à son créateur initial. La magie de ce documentaire est d’utiliser cette rengaine refusée par sa maison de disques comme l’épicentre d’une évocation par ailleurs délibérément impressionniste.
Leonard Cohen
Volontiers considéré comme l’homologue canadien de Bob Dylan, ne serait-ce que parce qu’il a débuté sous l’égide de la même maison de disques, Columbia, dans les années 60, Leonard Cohen a toujours réussi à résister au système pour préserver sa tranquillité et cultiver son jardin secret. Album après album, ce film délicat et sensible souligne sa discrétion et son refus de rentrer dans le rang des stars mondiales asservies à des contraintes marketing qui en ont usées bon nombre. Avec pour motivation cardinale le plaisir de chanter les mots les plus justes, quitte à s’imposer mine de rien comme un poète majeur de son temps, à l’instar de Patti Smith, en semant à l’usage de la postérité des petits cailloux blancs qui font a posteriori le bonheur des sémiologues. Au-delà du musicien et du chanteur, les réalisateurs exaltent la discrétion d’un homme qui pesait ses mots au point d’inspirer ceux qui ont repris certains de ses titres. À commencer évidemment par l’emblématique “Hallelujah” qui souligne par la multiplicité de ses reprises sa richesse infinie, chacun de ses interprètes ultérieurs ayant donné un sens personnel à ses paroles. Ce film magnifique d’intelligence touche parfois à la grâce, notamment à la fin lorsque le chanteur reprend la route. Comme pour exécuter un ultime tour de piste. Avec son chapeau inséparable, sa voix rocailleuse et son sourire charmeur. Nul besoin d’être un inconditionnel ni surtout un spécialiste de Leonard Cohen pour apprécier cet hommage magistral conçu comme une invitation au rêve en compagnie d’un barde merveilleux.
Jean-Philippe Guerand
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