Bachennya Metelyka Film ukraino-tchéco-croato-suédois de Maksym Nakonechnyi (2022), avec Rita Burkovska, Lyubomir Valivots, Myroslava Vytrykhoska-Makar, Natalka Vorozhbyt, Daria Lorenci… 1h47. Sortie le 12 octobre 2022.
Rita Burkovska
Une précision préalable : ce film qui prend aujourd’hui une signification particulière a été tourné avant même le début de l’invasion russe en Ukraine. Il se déroule d’ailleurs quelque temps plus tôt, au cours de cette drôle de guerre qui battait son plein depuis 2014 dans la coupable indifférence de l’Occident. Son personnage principal est une spécialiste en reconnaissance aérienne qui bénéficie d’un échange de prisonniers après plusieurs mois de captivité dans le Donbass. Un dur retour à la vie troublé par le traumatisme qui la hante et provoque en elle des visions obsessionnelles et une nouvelle raison de lutter contre ses démons. Un sujet évoqué dans un autre film ukrainien demeuré malheureusement inédit à ce jour, Vidblysk de Valentyn Vasyanovych, situé à la même période et présenté en 2021 en compétition à Venise, qui partage avec Butterfly Vision ce double thème du traumatisme et de la reconstruction. Cette idée, le réalisateur a décidé de la développer lorsqu’il a entendu une combattante exprimer à ses camarades son refus catégorique d‘être faite prisonnière par les troupes ennemies.
Rita Burkovska
L’héroïne de Butterfly Vision est une combattante confrontée à une résilience qu’elle peine à maîtriser et dont la détermination reflète la personnalité hors du commun. La mise en scène utilise à cet effet les ressources de l’image et du montage comme de véritables composantes du paysage mental pour le moins perturbé qui hante cette femme confrontée à la difficulté de s’intégrer dans une société qu’elle peine à reconnaître, ne serait-ce que parce qu’elle se trouve dans l’incapacité de surmonter le traumatisme profond qu’elle a subi et qu’aucun de ses proches ne peut comprendre. Avec aussi une prescience de ce qui risque de se produire, cette guerre totale qui a éclaté le 24 février dernier et dont cette fiction porte les germes avec une clairvoyance a posteriori saisissante. Son personnage principal est quant à lui indissociable de son interprète, la comédienne Rita Burkovska dont ce n’est que la deuxième apparition au cinéma, mais qui s’est fait remarquer en participant au Générateur, une performance de l’artiste Marina Abramovic présentée à Kiev en 2017. Elle s’avère ici indissociable de ce personnage auquel l’actualité récente a donné la puissance symbolique d’une Jeanne d’Arc ukrainienne.
Jean-Philippe Guerand
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