Film helvéto-argentino-français d’Andreas Fontana (2021), avec Fabrizio Rongione, Stéphanie Cléau, Carmen Iriondo, Juan Trench, Ignacio Vila, Pablo Torre, Elli Medeiros, Gilles Privat… 1h40. Sortie le 12 octobre 2022.
Fabrizio Rongione
Pour son premier long métrage, le cinéaste suisse Andreas Fontana n’a pas manqué d’ambition. Il en situe l’intrigue dans l’Argentine de 1980 où débarque un banquier privé venu remplacer son associé mystérieusement porté disparu, alors qu’une junte militaire implacable vient de succéder à une autre. Non seulement le cinéaste réussit la gageure de reconstituer l’époque avec un soin méticuleux, mais il s’introduit dans les arcanes du pouvoir sous la houlette d’un homme d’influence habitué à frayer avec les milieux les plus huppés et à jouer les bons offices. L’Argentine d’Azor ressemble à un empire décadent où les notables se retrouvent, jumelles autour du cou, dans les tribunes les plus huppées des hippodromes et dans des clubs cadenassés comme… des coffres-forts suisses. Le réalisateur décrit son personnage principal non seulement en éminence grise dont les costumes impeccables dissimulent une rapacité présentée comme une nouvelle forme de colonialisme, mais aussi dans la posture d’une sorte de conquistador des temps modernes pour lequel l’argent n’a vraiment aucune odeur. Plus sobre que jamais, Fabrizio Rongione, acteur fétiche des frères Dardenne, est l’interprète idéal de ce rôle ambigu. La justesse du casting, qui réserve un rôle inattendu à l’ex-chanteuse Elli Medeiros, va de pair avec l’élégance d’une mise en scène qui a le bon goût de ne jamais se montrer ostentatoire, sous prétexte de nous introduire parmi cette faune interlope dépourvue de convictions, mais pas de moyens.
Azor épate par sa rigueur et le soin méticuleux avec lequel il reconstitue une période particulièrement sombre de l’histoire de l’Argentine, en contrepoint du portrait implacable d’un banquier suisse dénué de scrupules qui se contente de remplir sa mission, sans même faire mine de se soucier outre mesure de la disparition non élucidée de son prédécesseur. Né en Suisse en 1982, puis parti pour Buenos Aires où il a travaillé comme traducteur et interprète dans les années 2000, Andreas Fontana n’affiche pas la moindre empathie pour ce personnage principal qui s’est muré dans une indifférence de façade pour remplir sa mission de bons offices, en se réfugiant derrière cette fameuse doctrine qui a valeur de mantra selon laquelle l’argent n’a pas d’odeur. Azor décrit un monde en sursis qui s’enivre de fastes d’un autre âge et erre de salons feutrés en clubs privés pour souligner le décalage mortifère d’une grande bourgeoisie qui évolue en dehors des réalités en s’accrochant à des codes sociaux dénués de fondements. Ce film ressemble au portrait de groupe d’un monde en voie d’effondrement qui s’accroche aux spectres d’un âge d’or révolu dont ne subsistent que quelques signes extérieurs aussi dérisoires que trompeurs.
Jean-Philippe Guerand
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