Film américain de David O. Russell (2022), avec Christian Bale, Margot Robbie, John David Washington, Alessandro Nivola, Andrea Riseborough, Anya Taylor-Joy, Chris Rock, Matthias Schoenaerts, Mike Myers, Michael Shannon, Taylor Swift, Zoe Saldana, Timothy Olyphant, Rami Malek, Robert de Niro… 2h15. Sortie le 1er novembre 2022.
Christian Bale, Margot Robbie
et John David Washington
Au moment même où Adolf Hitler accède au pouvoir en Allemagne, en 1933, à l’autre bout du monde, un médecin (Christian Bale) et un avocat (John David Washington) viennent au secours des Gueules Cassées et autres laissés-pour-compte de la Grande Dépression. La mort suspecte d’un général de retour d’Europe va amener ces aventuriers idéalistes à reconstituer le trio idéal qu’ils formaient avec une fougueuse femme fatale (Margot Robbie) rencontrée à Amsterdam au lendemain de la Grande Guerre. Avec pour objectif de déjouer une machination infernale qui menace de rallier aux thèses fascistes des comploteurs bien décidés à pervertir les valeurs fondatrices de la démocratie américaine. À son habitude, le réalisateur facétieux d’Happiness Therapy brouille les pistes en pratiquant le mélange des genres. Il assume l’aspect rocambolesque de son scénario et se complaît à confier ses personnages hauts en couleur à des interprètes qu’il pousse dans leurs retranchements à travers des compositions délibérément fantasques. L’application des ressources du cinéma de pure distraction à un sujet très sérieux inspire à David O. Russell un film dont l’insouciance apparente sert en fait une histoire dont on finit par ne plus percevoir si elle relève de la réalité ou d’une uchronie vraisemblable, à la manière du fameux Complot contre l’Amérique dans lequel Philip Roth imaginait la prise du pouvoir démocratique des États-Unis par des néo-nazis en pleine guerre mondiale.
Robert de Niro et Christian Bale
D’emblée, David O. Russell assume un style alerte de roman-feuilleton qui renvoie à la fois à la bande dessinée et à certains serials des années 30 par ses rebondissements incessants. Il s’en remet par ailleurs à des comédiens qui jouent le jeu et ne cherchent pas à cacher le plaisir communicatif qu’ils prennent à incarner ces personnages hauts en couleur. Avec une mention spéciale à Robert de Niro en vieille baderne bien décidée à en découdre avec ces populistes qui croyaient pouvoir le manipuler à leur aise afin de satisfaire leurs ambitions complotistes. La réussite de ce film distrayant est de jouer la carte du grand spectacle pour traiter d’un sujet au fond tout ce qu’il y a de plus sérieux, en adoptant cette antienne chère à John Ford selon laquelle il convenait de confier les messages à la poste, sans en encombrer inutilement les films auxquels le dogme hollywoodien assignait alors une fonction purement ludique. Amsterdam ne sombre pas dans ce piège, mais légitime ses péripéties incessantes en s’inscrivant dans un contexte historique réaliste. Sa qualité essentielle repose sur sa capacité à amalgamer des péripéties de pure fiction à une ère de grande confusion idéologique où tout semblait possible. C’est la vertu cardinale de ce spectacle à savourer au premier degré dont l’objectif assumé est de plaire au plus grand nombre.
Jean-Philippe Guerand
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