Film norvégien d’Yngvild Sve Flikke (2021), avec Kristine Kujath Thorp, Arthur Berning, Nader Khademi, Tora Christine Dietrichson, Silya Nymoen, Herman Tømmeraas, Mathias Kolstad Eriksen, Anita Gulliksen… 1h43. Sortie le 21 septembre 2022.
Tora Christine Dietrichson et Kristine Kujath Thorp
Confrontée à une grossesse dont elle n’a pris conscience qu’au bout de six mois, dans un superbe déni, Rakel, 23 ans, ne veut vraiment pas de ce bébé né de l’affaire d’une nuit, alors que son compagnon accepte tout à fait quant à lui de ne pas être le père biologique de ce fœtus en devenir. Situation baroque qui se complique lorsque se mêle de ce qui ne le regarde pas Ninjababy, un personnage d’animation qui se comporte comme la mauvaise conscience de Rakel et ne cesse de faire irruption dans sa vie pour essayer de la pousser à grandir. La singularité de cette comédie sentimentale inspirée d’un roman graphique repose sur sa forme délibérément iconoclaste et la personnalité immature de son héroïne qui se résout à faire adopter le fruit de ses entrailles, faute d’être dans les temps pour se soumettre à un avortement. Sous la légèreté affleure une réflexion plus profonde qu’il n’y paraît sur la maturité endossée par une comédienne norvégienne étonnante, Kristine Kujath Thorp, qui a par ailleurs elle-même écrit et illustré un livre pour enfants à succès. Elle confère par sa fantaisie et sa sensibilité un supplément d’âme important à ce personnage entre deux âges contraint de mûrir pour s’assumer en tant que femme adulte et responsable, sinon comme mère.
Ninjababy
Ninjababy émane d’un pays assez peu prolifique dans le domaine du cinéma, sinon à travers quelques drames sous l’influence pérenne du maître des lieux, le dramaturge Henrik Ibsen, jusqu’à l’émergence récente de Joachim Trier et de quelques épigones. En investissant le domaine de la comédie, qui plus est sentimentale, Yngvild Sve Flikke s’aventure sur un terrain dont elle subvertit les normes en s’adaptant à l’air du temps, qui plus est en pratiquant la confusion des genres, notamment sur le plan formel par des échappées d’animation empruntées à la bande dessinée. Rencontre au fond assez légitime du septième et du huitième arts qui a pour effet de faire bouger les lignes en renouvelant l’un des genres cinématographiques les plus connoté qui soit : la comédie sentimentale. Ninjababy tord le cou aux clichés les plus frelatés par ses échappées saugrenues vers la fantaisie la plus débridée qui soit. Le personnage-titre s’impose par son bon sens autant que par ses excentricités. Il agit comme un objecteur de conscience espiègle d’autant plus détaché de la réalité qu’il n’est au fond que la projection d’un fantasme. Il émane de cette comédie plus féminine que féministe une fantaisie qui a pour effet immédiat de rendre plus légères les choses de la vie, sans édulcorer pour autant leur importance. Avec ce fil rouge du choix qui sinue à travers un cas de conscience abordé avec le sourire de l’immaturité, la sincérité de l’innocence et le privilège de l’insouciance.
Jean-Philippe Guerand
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