Documentaire musical américain de Brett Morgen (2022), avec David Bowie… 2h20. Sortie le 21 septembre 2022.
Ziggy Stardust
Mort en janvier 2016, seulement deux jours après ses 69 ans, David Bowie a la particularité d’être devenu un mythe de son vivant. Par sa musique, mais aussi par l’invention de son double, Ziggy Stardust, et par sa présence qui lui a valu une belle carrière d’acteur. Brett Morgen a consacré cinq années à cerner sa personnalité, en visionnant ses images au fil du temps avec le soutien de la Fondation David Bowie qui lui a accordé pour la première fois un accès illimité à ses archives. Pour s’être attaché au cas du producteur Robert Evans dans The Kids Stay in the Picture (2002) et à celui du leader du groupe Nirvana dans Cobain : Montage of Heck (2015), ce documentariste émérite, nommé à l’Oscar en l’an 2000 avec Nanette Burstein pour On the Ropes, a mis au point une technique sophistiquée qui consiste à extraire la substantifique moëlle de ses sujets, en leur laissant la parole et sans jamais l’usurper inutilement. Présenté en séance de minuit au dernier Festival de Cannes, Moonage Daydream se présente comme le portrait façon puzzle d’un créateur hors du commun qui a bâti son mythe en prenant le risque de tout perdre. Quitte à devenir un autre pour mieux se régénérer. Ce sont donc mille vies superposées qui nourrissent ce livre d’images fantasmatique et foisonnant dont le héros a compris très vite qu’il lui faudrait se transformer continuellement pour devenir unique.
David Bowie
Évoquer la carrière de David Bowie revient à plonger en apnée parmi la scène musicale britannique et même européenne sur une période d’un demi-siècle. L’intelligence de Moonage Daydream repose sur son approche polysémique, en montrant à quel point le chanteur et l’acteur entretiennent des liens aussi étroits que David Robert Jones et Ziggy Stardust, le dandy et son double. Par la richesse de ses archives, le film de Brett Morgen rend justice à la personnalité hors du commun de cet artiste qui a su se remettre en cause et se renouveler en permanence pour ouvrir de nouvelles voies, tout en s’imposant comme une star populaire capable de repousser les lignes jusqu’à l’infini grâce à son aura exceptionnelle. C’est ce talent polymorphe qui justifie toutes les audaces d’un documentaire raisonné qui réussit la prouesse de combler à la fois les fans les plus familiers de Bowie et ceux qui ne connaissaient jusqu’ici que l’écume de son talent, à travers ses tubes les plus célèbres ou son interprétation inoubliable dans Furyo (1983) de Nagisa Oshima, la version délibérément anti-héroïque du fameux Pont de la rivière Kwaï (1957) de David Lean racontée du point de vue opposé. Avec en guise de codicille ces images incroyables d’un dandy élégant marchant dans les rues de Tokyo en conquérant discret heureux d’être (presque) incognito. Ainsi était David Bowie…
Jean-Philippe Guerand
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