Accéder au contenu principal

“Maria rêve” de Lauriane Escaffre et Yvo Muller



Film français de Lauriane Escaffre et Yvo Muller (2022), avec Karin Viard, Grégory Gadebois, Philippe Uchan, Noée Abita, Lauriane Escaffre, Pauline Clément, Yvo Muller… 1h33. Sortie le 28 septembre 2022.



Grégory Gadebois



Engagée comme femme de ménage à l’école des beaux-arts, Maria découvre un monde foisonnant dont elle ignorait jusqu’à l’existence… De cet argument a priori un peu court, Lauriane Escaffre et Yvo Muller tirent une comédie de mœurs qui doit tout ou presque à une bienveillance dont notre époque semble parfois se méfier, comme si elle craignait de se voir taxée de mièvrerie. Une histoire simple qui repose avant tout sur l’alchimie de ses interprètes, accoutumés pour la plupart au registre du cinéma d’auteur pur et dur. La meilleure idée des cinéastes consiste à confier le rôle de cette femme simple et dénuée de préjugés à Karin Viard, actrice populaire qui s’est parfois égarée ces dernières années dans des productions indignes de son talent ou mésestimées, quitte à laisser son étoile décliner parmi le grand public. À noter qu’elle est aujourd’hui prise à parti sur les réseaux sociaux par des complotistes qui appellent au boycott du film pour des raisons sans rapport, sous prétexte qu’elle se serait exprimée publiquement contre l’obscurantisme de ces antivax revanchards. Maria rêve mise précisément sur son franc-parler et les multiples facettes de sa personnalité en la confrontant à deux partenaires de choix qui ne se contentent pas de tenir le rôle ingrat d’antagonistes : Grégory Gadebois en bon gros nounours et Noée Abita en apprentie-artiste à l’imagination bouillonnante. Un trio de choc au service d’une histoire simple qui porte un regard attachant sur la fonction de l’art en tant que lien social, sans jamais adopter une posture arrogante vis-à-vis des uns ou des autres ni se placer en surplomb de son récit.



Karin Viard et Noée Abita



Maria rêve est un film qui assume sa fibre populaire et se garde de tricher avec les sentiments. Il ne se contente d’immerger une femme pétrie de bon sens et de curiosité dans un milieu qui n’est pas le sien pour observer ses réactions et celle de son entourage, aussi bien face à un homme de sa génération qui officie comme gardien du temple qu’avec une jeune artiste en devenir dont les audaces spontanées reflètent la nature volcanique. Il émane évidemment de cette confrontation un aspect “l’art pour les nuls” qui pourrait prêter au sourire voire à la moquerie, mais que les réalisateurs présentent comme un facteur de clivage social et intellectuel. Avec çà et là quelques jolies échappées oniriques et ludiques. C’est là qu’intervient la personnalité de Karin Viard, digne héritière d’Annie Girardot et elle-même aujourd’hui parfois en concurrence avec sa cadette Laure Calamy comme interprète naturelle de ces personnages féminins dont le charme repose sur son empathie innée et un bon sens solidement chevillé au corps. Le scénario de Maria rêve ne la place toutefois jamais dans la posture inconfortable de l’ignorante confrontée à d’auto-proclamés sachants, mais exalte son bon sens comme un gage de pureté et de spontanéité, de nature à tordre le cou à bien des lieux communs sur la vanité et l’arrogance de certains artistes. Il émane de cette comédie sans autre prétention que de plaire quelques vérités bien senties et même parfois une émotion spontanée qui doit moins à une quelconque stratégie de séduction qu’à l’implication communicative de ses interprètes.

Jean-Philippe Guerand






Karin Viard

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract