Film français de Lisa Diaz (2022), avec Laetitia Dosch, Lolita Chammah, Grégory Montel, Azou Gardahaut-Petiteau, Jeanne Vallet de Villeneuve, Simone Liberati, Pascal Miralles… 1h36. Sortie le 21 septembre 2022.
Azou Gardahaut-Petiteau et Jeanne Vallet de Villeneuve
Au cours de l’été 1982, dans un village des Cévennes, Garance, 11 ans, élevée dans un milieu de militants alternatifs, se retrouve mêlée malgré elle à la cavale de deux activistes italiens des Brigades Rouges. Une rencontre déterminante qui va bouleverser son insouciance, modifier le regard qu’elle porte sur les adultes et même le cours de sa vie. Au-delà de ce récit, Lisa Diaz reconstitue avec sensibilité l’état de grâce éphémère qui a suivi l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République. Libre Garance ! nous parle d’un temps pas si reculé que ça où les enfants perdus de Mai 68 avaient divagué vers le terrorisme en renonçant à toute aura de romantisme. Considérée du point de vue d’une petite fille qui a grandi dans un cocon à ciel ouvert, cette brusque intrusion du réel revêt une puissance romanesque qui vient percuter les aspirations traditionnelles de cet âge et nourrir prématurément le fameux conflit des générations au sein d’une famille qui défend des valeurs de gauche. La cinéaste joue en outre d’une autre caractéristique en brouillant les pistes entre les parents, chacun débordant en fait de la fonction traditionnelle qui lui est assigné.
Grégory Montel
Libre Garance ! revendique la pureté des romans de Mark Twain à un moment clé de l’histoire de France où le fameux peuple de gauche voit ses valeurs se concrétiser, même si c’est parfois dans la douleur. Les parents que campent Lolita Chammah et Grégory Montel se révèlent à la démesure de cet enjeu par leur inversion des rôles et un idéalisme qui se heurte aux coups de boutoir du réel. Ils préfigurent en cela les générations suivantes. Avec aussi la formidable Laetitia Dosch dans le rôle d’une rebelle avec cause comme elle les affectionne dont l’accouchement dans la douleur confine au morceau de bravoure. Lisa Diaz signe là un premier film d’apprentissage vraiment enthousiasmant, en reconstituant avec finesse une époque qui croyait encore en la victoire de l’utopie. Une tranche de vie sous le soleil des Cévennes qui propose en outre une réflexion pertinente sur la période post-soixante-huitarde et le dur retour à la réalité imposé par la crise économique des années 80. Au-delà de son contexte socio-politique, Libre Garance ! esquisse l’espoir salvateur de lendemains qui chantent tel que pouvait les appeler de ses vœux la fameuse Génération Mitterrand. Avec beaucoup moins d’amertume et de désillusions que de tendresse et de confiance en un avenir alors incertain.
Jean-Philippe Guerand
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