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“Le soleil de trop près” de Brieuc Carnaille



Film français de Brieuc Carnaille (2022), avec Clément Roussier, Marine Vacth, Diane Rouxel, Hakim Faris, Léon Durieux, Fethi Saidi, Corentin Fila, Omar El Aissaoui… 1h30. Sortie le 28 septembre 2022.



Marine Vacth



Rien de plus difficile que de montrer la folie au cinéma, sans verser dans la caricature ou l’emphase. L’homme auquel s’attache Brieuc Carnaille dans son premier film se sent hors du monde quand il sort de l’asile psychiatrique où il était interné. Alors quand il décide de renoncer à un traitement médicamenteux dont il ne supporte plus les effets secondaires, c’est pour retomber dans une sorte de prison mentale qui l’oppresse et rend ses relations sociales pour le moins cahotiques et ses incursions professionnelles aléatoires sinon périlleuses, pour ses collègues, mais aussi pour lui-même car il le confronte à l’échec de sa thérapie. Sa sœur a beau tout faire pour le protéger contre lui-même, chassez le naturel, il revient au galop, de préférence en dévastant tout sur son passage. La chimère que cherche à appréhender Le soleil de trop près, c’est le paysage mental d’un éternel enfant aux prises avec ses démons, dans le cadre aliénant des corons en brique de Roubaix, hérissés çà et là de cheminées d’usine. Comme les vestiges dérisoires d’une prospérité disparue. Jusqu’au moment où cet homme fragile rencontre une mère célibataire avec laquelle il entrevoit la chimère d’une vie presque comme les autres.



Diane Rouxel et Clément Roussier



C’est en rencontrant le comédien Clément Roussier que Brieuc Carnaille a décidé de lui confier le rôle principal de ce film sur la schizophrénie à l’écriture duquel il a tenu à l’associer. Une pathologie complexe qui entretient quelques connivences évidentes avec le métier d’acteur, dans la mesure où celui-ci consiste par essence pour ceux qui le pratiquent à se mettre dans la peau des autres, donc à jouer avec une gamme infinie de personnalités. Avec en contrepoint dans ce film deux femmes aux fortes personnalités : la sœur protectrice qu’incarne Marine Vacth, déjà sortie de sa zone de confort il y a quelques mois dans le très noir Entre la vie et la mort, et Diane Rouxel rompue aux emplois de femmes fortes depuis Volontaire et Terre des hommes. Le format Scope convient particulièrement bien à ces vestiges urbains désincarnés d’une prospérité industrielle révolue d‘où est originaire le réalisateur. Il l’utilise pour noyer parfois son personnage dans ce décor et souligner ainsi sa détresse par rapport à un monde qui l’écrase et dont il cherche à s’échapper verticalement. Une ambition esthétique à mettre au crédit de ce film parfois oppressant. Plus dure sera la chute…

Jean-Philippe Guerand




Clément Roussier

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