Du som er i himlen Film danois de Tea Lindeburg (2021), avec Flora Ofelia Hofmann Lindahl, Thure Lindhardt, Ida Cæcilie Rasmussen, Palma Lindeburg Leth, Stine Fischer Christensen, Anna-Olivia Øster Coakley, Flora Augusta, Kirsten Olesen, Lisbeth Dahl, Albert Rudbeck Lindhardt… 1h26. Sortie le 21 septembre 2022.
Flora Ofelia Hofmann Lindah
et Albert Rudbeck Lindhardt
À la fin du dix-neuvième siècle dans la campagne danoise, une jeune fille voit son insouciance disparaître au cours de la nuit où sa mère, sur le point d'accoucher de son dixième enfant, la met en demeure de faire face à de nouvelles responsabilités en tant qu’aînée, en tirant un trait définitif sur ses rêves de jeunesse. Un lien invisible relie certains des plus grands chefs d’œuvres du cinéma scandinave : la foi luthérienne qui habite à des degrés différents des créateurs aussi considérables que les Suédois Victor Sjöström et Ingmar Bergman ou les Danois Carl Theodor Dreyer et Lars von Trier dans des films tels que Breaking the Waves (1996) ou Antichrist (2009). Tea Lindeburg s’inscrit délibérément dans cette tradition avec son premier long métrage pour le cinéma qui lui a valu l’an dernier la Conque d’argent de la mise en scène au festival de San Sebastián. Un récit d’apprentissage qui va peu à peu virer au cauchemar, sous l’effet d’une tragédie imprévue. Le film débute comme une chronique de la vie quotidienne avec ses contraintes et ses plaisirs. Le soleil étincelant qui irradie les blés, Tea Lindeburg s’y attarde comme avant elle Terrence Malick dans Les moissons du Ciel (1978), en l’auréolant d’un caractère miraculeux. Il se poursuit comme une sorte de montée au calvaire où la parturiente vient obscurcir par sa souffrance l’insouciance de ses proches. À l’instar de cette séquence magistrale où la gaieté spontanée d’une fête vient se fracasser contre les râles de douleur en provenance de la pièce voisine…
Flora Ofelia Hofmann Lindahl
Tea Lindeburg dresse un constat sans appel de la condition féminine au tournant du vingtième siècle, au sein d’une société où le temps semble avoir suspendu son vol et où la principale fonction de la femme consiste à mettre au monde des enfants, avec les ravages et les souffrances que cela suppose. Une spirale infernale qui passe de génération en génération, parfois prématurément comme ici. C’est bel et bien de la fin de l’innocence que traite ce film habité par la foi et fondé sur des contrastes saisissants entre la lumière et l’obscurité, l’insouciance et la tragédie. Dans ses plus sombres élans, la réalisatrice convoque discrètement l’ombre tutélaire d’un des plus grands chefs d’œuvre de Bergman : Cris et chuchotements (1972). Avec cette nature profondément injuste dont les infortunes deviennent autant de malédictions sous l’effet d’une croyance omniprésente. Loin de s’appesantir sur cet aspect théologique, La dernière nuit de Lise Broholm s’attache au passage à l’âge adulte d’une adolescente que rien n’a préparé à cette épreuve, au sein d’une société figée dans ses traditions où règne la force du devoir. C’est une œuvre magistrale qui trouve de troublants échos dans notre époque aux abois où tant de communautés s’élèvent les unes contre les autres en fractionnant ce vivre-ensemble qu’on croyait enfin acquis une fois pour toutes.
Jean-Philippe Guerand
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