Stop-Zemlia Film ukrainien de Kateryna Gornostai (2020), avec Maria Fedorchenko, Arseni I Markov, Yana Isaienko, Oleksandr Ivanov… 2h02. Sortie le 14 septembre 2022.
Yana Isaienko et Maria Fedorchenko
Les tourments de la jeunesse sont universels, en temps de paix comme en période de guerre. Ours de cristal à la Berlinale 2021, ce premier film ukrainien à fleur de peau s’attache aux élèves d’une classe de première, à travers l’amitié de trois adolescents pour le moins anticonformistes. Lycéenne introvertie, Macha sort de son isolement en sympathisant avec Yana et Senia qui lui ressemblent par leur refus de se soumettre à la norme établie. Le regard que porte la réalisatrice Kateryna Gornostai sur l’âge dit “ingrat”, qui est aussi traditionnellement celui de tous les possibles, s’avère d’autant plus attachant qu’il prend pour cadre un pays alors sous la menace larvée d’un conflit armé, qui a éclaté depuis, où les garçons se partagent entre des Shoot’em’up et des films de guerre à la virtualité faussement rassurante. Comme un conditionnement à leur conscription obligatoire ou son prélude théorique et virtuel. Dès lors, l’effet de réalité de cette chronique impressionniste se trouve transcendé par la force de vie qui s’en dégage. Ce qu’elle nous donne à voir et à partager, c’est la pression sous laquelle a vécu la jeunesse ukrainienne avant l’invasion russe. Un sentiment qui apparaît a posteriori d’une furieuse authenticité.
Maria Fedorchenko
C’est dans ses propres souvenirs que la cinéaste a puisé l’inspiration de Jeunesse en sursis et notamment le caractère du personnage campé par Maria Fedorchenko sur un registre ô combien délicat. Elle a toutefois pris soin d’interroger deux cents adolescents d’aujourd’hui pour creuser leurs préoccupations actuelles et donner un précieux supplément d’âme à ses protagonistes. D’où la justesse de cette chronique sensible qui préfère jouer la carte du naturel que du sensationnel pour dépeindre les états d’âme d’une génération en devenir. Ce premier film prometteur a été rattrapé entre-temps par la réalité de la guerre qui couvait alors comme une menace indicible, le film ayant dû être retiré de l’affiche des cinémas ukrainiens quand la réalité a fini par rattraper la fiction en la dépassant, en février dernier, conférant à ce cri du cœur aux accents de chronique existentielle un indéniable supplément d’âme et un caractère prophétique qui crèvent aujourd’hui l’écran avec une violence sans appel. C’est un miroir que nous tend ce film aussi puissant que touchant irradié par une force de vivre invisible.
Jean-Philippe Guerand
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