See How They Run Film britannique de Tom George (2022), avec Sam Rockwell, Adrien Brody, Saoirse Ronan, Harris Dickinson, Ruth Wilson, Shirley Henderson, David Oyelowo, Sian Clifford, Pearl Chanda… 1h38. Sortie le 14 septembre 2022.
Pearl Chanda, Reece Shearsmith, David Oyelowo
Ruth Wilson, Sian Clifford, Harris Dickinson
Jacob Fortune-Lloyd et Ania Marson
Voici un Coup de théâtre réglé comme une mécanique de précision qui assume son caractère anachronique. Sans doute parce qu’on a perdu l’habitude des “whodunit” (littéralement “qui l’a fait ?”), ces intrigues policières chères à Agatha Christie où tout commence par un crime commis au sein d’une assemblée, avec son lot de suspects en puissance, et se poursuit par des confrontations d’où émergera la clé de l’énigme. Un postulat qui a maintes fois fait ses preuves et a suscité un regain d’intérêt de la part du public, juste avant le confinement, avec le succès inattendu du très classique À couteaux tirés (2019) de Rian Johnson, devenu depuis une franchise prolifique dont l’opus trois est déjà en préproduction… alors même que le précédent (Glass Onion : Une histoire à couteaux tirés) n’est annoncé sur Netflix que le 23 décembre prochain. Le film écrit par le scénariste de télévision Mark Chappell et mis en scène par Tom George se situe dans le West End londonien des années 50 et s’appuie sur des conventions à l’épreuve du temps : un meurtre et les multiples supputations et soupçons qu’il va entraîner au sein d’un microcosme dont chaque membre a de solides raisons d’en vouloir aux autres, sans nécessairement en arriver jusqu’à passer à l’acte. Comme il est d’usage dans ces circonstances, il y a à peu près autant de personnages que de meurtriers potentiels et le scénario procède par élimination en transformant certains de ceux que tout accuse en victimes, histoire de remettre les compteurs à zéro en entretenant le suspense.
Saoirse Ronan et Sam Rockwell
L’intrigue de Coup de théâtre repose sur des principes qui s’assument en tant que tels. Sa mise en œuvre s’appuie quant à elles sur une distribution prestigieuse, avec pour fins limiers Sam Rockwell et Saoirse Ronan, rarement vue sur un registre aussi léger. C’est un peu à qui tirera son épingle de ce jeu de dupes en échappant au ressentiment des autres, Tom George ne ménageant pas particulièrement ses interprètes, aussi prestigieux soient-ils, à l’instar d’Adrien Brody que le ridicule ne tue pas malgré un emploi à haut risque. Le film assume le caractère un rien vétuste de son intrigue, mais se garde bien de tricher avec les conventions du genre. Il reconstitue en outre de façon savoureuse le petit monde du théâtre londonien de l’Après-Guerre, en insistant à dessein sur le triomphe historique de… La souricière d’Agatha Christie, la pièce à avoir totalisé le plus grand nombre de représentations consécutives au monde depuis sa création, en 1952. Mais sans s’ingénier pour autant à “aérer” son enquête où à accumuler les morceaux de bravoure dans une surenchère artificielle. Il y a quelque chose de profondément rassurant, mais aussi de furieusement désuet, dans cette intrigue millimétrée qui favorise ostensiblement les numéros d’acteur, en offrant précisément au spectateur ce qu’il est venu y chercher : un moment d’évasion au cours duquel il suffit de suivre le guide et de se laisser embarquer en agréable compagnie par un souci du travail bien fait. Ce caractère anachronique appartient aussi en propre à la fameuse magie du cinéma.
Jean-Philippe Guerand
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