Film français de Mohamed Hamidi (2022), avec Kad Merad, Fatsah Bouyahmed, Oulaya Amamra, Brahim Bouhlel, Zinedine Soualem, Soumaya Akaaboune, Anne-Elisabeth Blateau, Brahim Bihi, Hedi Bouchenafa, Amal El Atrache … 1h36. Sortie le 14 septembre 2022.
Fatsah Bouyahmed et Kad Merad
À l’origine de cette comédie française, il y a un formidable film argentin du même titre coréalisé en 2016 par Mariano Cohn et Gastón Duprat et couronné de plus d’une trentaine de récompenses internationales. Alors que l’original était une étude de mœurs sardonique qui s’attachait au pèlerinage d’un lauréat du prix Nobel de littérature dans son village natal et aux réactions extrêmes qu’il suscitait pour avoir évoqué dans ses livres certains de ses concitoyens, son remake s’inscrit dans la réalité contestataire d’une Algérie contemporaine en fusion. Connu jusqu’alors pour quelques comédies de mœurs plutôt enlevées dont Né quelque part (2013) et Jusqu’ici tout va bien (2019), Mohamed Hamidi trouve dans ce point de départ matière à rire, à sourire, mais aussi à interroger la nature humaine dans ce qu’elle a de moins glorieux. Il s’appuie pour cela sur un tandem composé de Kad Merad (que le réalisateur avait déjà dirigé dans son film précédent, Une belle équipe) en écrivain consacré, avec pour ange gardien Fatsah Bouyahmed qui tenait déjà le rôle principal de La vache (2016) qu’il avait par ailleurs coécrit. C’est sur la complicité de ces deux “natures” contrastées que s’appuie ce film solidement ancré dans la réalité algérienne d’aujourd’hui, avec en arrière-plan le souffle de liberté auquel aspire sa jeunesse. Un contexte prégnant qui confère à cette version un caractère sans doute moins universel, mais aussi une identité géopolitique plus affirmée que l’original.
Kad Merad
Vu récemment dans le rôle-titre du Médecin imaginaire d’Ahmed Hamidi (le frère aîné du réalisateur de Citoyen d’honneur), Fatsah Bouyahmed s’impose comme un partenaire de choix pour Kad Merad par son bon sens et son caractère terrien. Le choix de ce dernier pour tenir le rôle de cet écrivain auquel ses compatriotes reprochent de les avoir abandonnés, avant de les trahir en les transformant en protagonistes de ses romans, s’avère d’une grande pertinence, l’acteur ayant aujourd’hui achevé sa mue vers un registre plus dramatique, sans renier pour autant son passé de comique. Cette précieuse dualité épaissit d’autant plus la psychologie de son personnage devenu malgré lui un peu “hors-sol” en se réfugiant dans la tour d’ivoire de la célébrité. Dès lors, le scénario ne cherche jamais à héroïser cet écrivain consacré, mais l’utilise comme une personnalité que tout le monde cherche à instrumentaliser pour des raisons parfois méprisables. La richesse du scénario coécrit par Mohamed Hamidi et Alain-Michel Blanc repose aussi sur le portrait impressionniste qu’il dresse de l’Algérie contemporaine dont la jeunesse manifeste en masse contre ses dirigeants corrompus au pouvoir depuis la période post-coloniale. En cela, cette comédie de mœurs aussi tendre que cruelle s’impose par une réflexion socio-politique susceptible de toucher le plus grand nombre par le biais de l’observation, de l’émotion et même du rire, trois vertus cardinales du cinéma populaire dans son acception la plus noble.
Jean-Philippe Guerand
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