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“Wild Men” de Thomas Daneskov



Vildmænd Film danois de Thomas Daneskov (2021), avec Rasmus Bjerg, Zaki Youssef, Bjørn Sundquist, Sofie Gråbøl, Marco Ilsø, Håkon T. Nielsen, Tommy Karlsenn, Rune Temte, Jonas Strand Gravli, Kathrine Thorborg Johansen… 1h42. Sortie le 24 août 2022.



Rasmus Bjerg



Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark. Le jour où un cadre quadragénaire bien sous tous rapports décide de prendre le maquis pour goûter à la vie sauvage au lieu de participer à un énième séminaire professionnel, il croise sur sa route buissonnière un hors-la-loi blessé et pris en chasse par ses comparses. Ces robinsons de la Mer du Nord que la bière unit comme larrons en foire se heurtent à une obsession agaçante de les faire rentrer dans le rang qui vire parfois à la plus basique hostilité, tandis que les malfrats en quête de leur magot traquent eux aussi celui qui les a trahis. Wild Men est une comédie atypique qui rit de nos excès avec autant de finesse que ses protagonistes assument leur statut de Vikings modernes contraints de renouer avec les pratiques de leurs lointains ancêtres. Ce sont les réactions hostiles suscitées par ce retour à la terre nourricière qui confèrent sa saveur à cette comédie débridée dont les deux lascars n’auraient jamais dû se rencontrer, tant leurs parcours de vie sont différents. Avec en filigrane une cinglante critique du conformisme et de la monotonie sinistre qu’il engendre dans une Scandinavie rassurante de prime abord, mais bien peu propice à la fantaisie et aux excès en tout genre.



Marco Ilsø et Rasmus Bjerg


Cette immersion dans un revival loufoque de la guerre du feu avec retour obligé à la chasse et à la cueillette est traitée sur le mode d’un conte philosophique, avec en ligne de mire ce que nous sommes devenus en l’espace de quelques millénaires, dans le vertige illusoire d’un progrès exponentiel. C’est un bain de jouvence salvateur qui prône l’esprit de rébellion et montre que rien n’est vraiment acquis dans notre univers impitoyable en proie à une nature malmenée. Venu de la comédie, après “Joe Tech”, une série de faux documentaires pour la télévision, le réalisateur Thomas Daneskov signe là son deuxième long métrage sur un registre auquel nous a assez peu accoutumés le cinéma scandinave : celui de la farce décalée, aussi loin des paraboles désespérées de l’orfèvre suédois Roy Andersson que des contes narquois du Norvégien Bent Hamer. Un univers dans lequel excellent ses deux interprètes pince-sans-rire, Rasmus Bjerg et Zaki Youssef, que le metteur en scène pousse au-delà de leurs limites avec une énergie communicative. Cette immersion dans la vie sauvage en compagnie de ces robinsons remarquables est rien moins que jubilatoire, tout en professant un retour salvateur à une certaine sagesse originelle. Humour débridé en prime.

Jean-Philippe Guerand






Rasmus Bjerg et Zaki Youssef


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