Vesper Film lituano-franco-belge de Kristina Buozyte et Bruno Samper (2022), avec Raffiella Chapman, Eddie Marsan, Rosy McEwen, Richard Brake, Mélanie Gaydos, Edmund Dehn… 1h52. Sortie le 17 août 2022.
Raffiella Chapman
On dénie volontiers au cartésianisme français toute légitimité dans le domaine de la science-fiction. Comme si Jules Verne, Georges Méliès, René Laloux et Roland Topor (La planète sauvage, 1973), Enki Bilal et quelques autres n’avaient pas porté haut les couleurs de ce genre si particulier. C’est donc avec beaucoup de curiosité qu’on guettait la tentative dans ce domaine du tandem créatif formé par la réalisatrice lituanienne Kristina Buozyte et le scénariste français Bruno Samper féru d’effets visuels et de réalité virtuelle. Deux artistes visionnaires associés étroitement depuis une quinzaine d’années dans des tentatives aussi ambitieuses qu’atypiques qui tranchent avec le cinéma européen contemporain si conformiste. Première surprise : Vesper Chronicles ne s’inspire pas d’un texte préexistant, comme c’est souvent le cas dans le domaine très fermé de la science-fiction. C’est la création ex nihilo d’un univers post-apocalyptique engendré par l’effondrement de l’écosystème terrestre (sujet ô combien brûlant !) dans lequel une jeune fille va s’efforcer de guider les siens sur la voie étroite de la rédemption vers un avenir incertain. Au-delà de la survie, c’est bel et bien de régénérescence qu’il est question dans ce film ambitieux qui concilie ses ambitions utopiques avec un traitement parfois ludique non dénué d’humour et de tendresse.
Vesper est en quelque sorte la Jeanne d’Arc du futur. Une gamine précoce qui s’est mise en tête de sauver les siens en profitant des circonstances pour partir à la conquête d’un monde meilleur. Une croisade qu’elle va entreprendre en compagnie d’un drone de compagnie qui évoque à dessein le célèbre C3PO de La guerre des étoiles (1977) de George Lucas par son caractère résolument décalé. Le tout dans un contexte écologique indissociable de l’état de déréliction actuel de notre planète, avec en ligne de mire le fantasme d’une nouvelle Terre promise. L’ambition de Vesper Chronicles constitue donc bel et bien le moteur de ce film épique qui montre une floraison comme un miracle annonciateur et parie sur l’hypothétique victoire du Bien sur le Mal dans une société à deux vitesses où les nantis vivent reclus dans des citadelles, tandis que la plèbe reste malgré elle en contact étroit avec la nature dévastée. Cette œuvre d’anticipation tournée pour l’essentiel en décors naturels avec un minimum d’effets spéciaux offre une alternative passionnante à la tradition anglo-saxonne dans ce domaine, mais repose sur une distribution qui en émane largement, de la jeune Raffiella Chapman, révélée par Miss Peregrine et es enfants particuliers (2016) de Tim Burton, à Richard Brake, Eddie Marsan et Rosy McEwen. Un casting de choix pour une sombre invitation au rêve qui sonne parfois comme une prophétie d’une brûlante actualité.
Jean-Philippe Guerand
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