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“Rebel” d’Adil El Arbi et Bilall Fallah




Film franco-belge d’Adil El Arbi et Bilall Fallah (2022), avec Aboubakr Bensaihi, Lubna Azabal, Amir El Arbi, Tara Abboud, Younes Bouab, Kamal Moummad, Fouad Hajji, Nassim Rachi… 2h15. Sortie le 31 août 2022.



Tara Abboud et Aboubakr Bensaihi



S’il est un thème indissociable des deux premières décennies du troisième millénaire, c’est bel et bien la montée du terrorisme, à travers la poussée de l’autoproclamé État islamique né dans les décombres des attentats du 11 septembre 2001, puis de la débâcle de la dictature irakienne et de l’inhumanité du régime syrien à l'égard de son peuple désespéré. Un État de non droit qui a poussé comme du chiendent en attirant des djihadistes venus du monde entier, sous couvert de devenir des combattants d’Allah et de voir soixante-douze vierges copuler avec leurs cadavres. Le cinéma a surtout rendu compte jusque-là de ce phénomène à travers des documentaires pris sur le vif, le plus souvent dans des conditions périlleuses, et dans une poignée de fictions parmi lesquelles La désintégration (2011) de Philippe Faucon et Les chevaux de Dieu (2012) de Nabil Ayouch qui tentaient de décortiquer le mécanisme de l’endoctrinement. Inspiré du roman de Mahi Binebine “Les étoiles de Sidi Moumen”, Rebel va beaucoup plus loin en s’attachant à la croisade d’une mère dont le fils radicalisé a rallié les rangs de cette armée de mercenaires sans foi ni loi, et qui va tout mettre en œuvre pour sauver le petit dernier, à son tour menacé de servir de chair à canon. Sous la fiction se cache la description clinique d’un phénomène dont les médias n’ont pu nous montrer que des bribes parmi lesquelles des exécutions d’otages et de “mécréants” complaisamment propagées par les réseaux sociaux.



Lubna Azabal



Partis tenter leur chance à Hollywood, où ils ont notamment signé Bad Boys for Life (2020) et une version de Batgirl finalement redirigée à l'usage exclusif des plateformes de streaming pour d'obscures raisons stratégiques, les réalisateurs belges Adil El Arbi et Bilall Fallah sont revenus en Europe pour traiter d’un thème d’actualité qui s’inscrit dans la continuité des films qui les ont révélés : Image (2014), Black (2015) et Gangsta (2018). Ils mettent ainsi leur virtuosité technique éprouvée au service d’un propos géopolitique puissant qui va d’ailleurs irradier notre automne cinématographique à travers au moins trois autres films : Revoir Paris d’Alice Winocour (sortie le 7 septembre), Novembre de Cédric Jimenez (le 5 octobre) et Vous n’aurez pas ma haine de Kilian Riedhof (le 2 novembre). Rebel relève de ce besoin de résilience en nous montrant ce qu’on n’a jamais vu : le conditionnement des combattants d’Allah par une organisation terroriste qui avait érigé son état scélérat en nouvelle Babylone. Le film s’en remet aux codes traditionnels du spectacle et à la virtuosité éprouvée de ses réalisateurs pour exfiltrer du ghetto du cinéma d’auteur traditionnel un propos susceptible d’intéresser le plus grand nombre. À commencer par cette jeune génération au sein de laquelle l’organisation terroriste a recruté ses forces vives. Avec dans le rôle de la mère courage à la détermination sans failles la toujours éblouissante Lubna Azabal. Voici un film d’utilité publique qui ne prend pas de gants.

Jean-Philippe Guerand







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