Film français de Léa Mysius (2022), avec Adèle Exarchopoulos, Noée Abita, Sally Dramé, Moustapha Mbengue, Daphne Patakia, Patrick Bouchitey, Swala Emati… 1h35. Sortie le 31 août 2022.
Sally Dramé
Rarement un premier film français a suscité autant de désir de découvrir le deuxième qu’Ava de Léa Mysius, Prix de la SACD dans le cadre de la semaine de la critique du festival de Cannes 2017. Le genre de coup d’essai qu’on qualifie volontiers de coup de maître et qui donne une furieuse envie de voir la suite. Mais au cours de ses cinq années, cette diplômée du département scénario de la Femis est revenue à ses premières amours à une cadence soutenue. Elle a ainsi prêté sa plume à Arnaud Desplechin (Les fantômes d’Ismaël-2017, Roubaix, une lumière-2019), André Téchiné (L’adieu à la nuit, 2019), Jacques Audiard (Les Olympiades, 2021) et Claire Denis (Des étoiles à midi, 2022). Rien que des auteurs et des meilleurs ! C’est aujourd’hui son tour de passer le cap périlleux du deuxième film avec Les cinq diables, l’histoire d’une gamine qui collectionne en secret les odeurs de son entourage et voit ainsi émerger malgré elle des souvenirs confus. Jusqu’à atteindre un point de non-retour qui la submerge d’émotions troublantes venues d’ailleurs…
Adèle Exarchopoulos
Sans être à proprement parler un film fantastique, Les cinq diables convie irrésistiblement des croyances ancestrales dont celle du vaudou qui inspira naguère un cinéaste comme Jacques Tourneur, avec en codicille cette tradition fantastique des enfants aux pouvoirs diaboliques qui va des Innocents (1961) de Jack Clayton, d’après Henry James, à La malédiction (1976) de Richard Donner. La singularité de Léa Mysius consiste à aborder cette histoire hybride au quotidien et à privilégier l’étrange au fantastique proprement dit. Elle instaure pour cela une tension grandissante qui passe par des scènes banales et le décalage qui s’instaure petit à petit entre cette réalité et son interprétation par une gamine douée de pouvoirs extra-sensoriels exacerbés dont la maturité n’a rien à envier à l’imagination. Présenté à Cannes dans le cadre de la dernière Quinzaine des réalisateurs, ce film d’atmosphère à haute tension dont le coscénariste cumule aussi étonnamment les fonctions de chef opérateur repose sur le décalage qui s’instaure peu à peu entre un quotidien qui se lézarde et les fantasmes engendrés par l’imagination fertile d’une gamine douée de pouvoirs extra-sensoriels. Contraste inscrit à dessein dans le cadre d’une famille métissée qui vit dans un village de montagne. Un voyage qui dépayse autant qu’il envoûte.
Jean-Philippe Guerand
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