Where the Crawdads Sing Film américain d’Olivia Newman (2022), avec Daisy Edgar-Jones, Taylor John Smith, Harris Dickinson, Michael Hyatt, Sterling Macer Jr., David Strathairn, Garret Dillahunt, Jayson Warner Smith, Bill Kelly… 2h05. Sortie le 17 août 2022.
Daisy Edgar-Jones
Au départ, il y a un roman de la zoologue Delia Owens, paru en 2018 et vendu à douze millions d’exemplaires, dont la comédienne Reese Witherspoon a acquis les droits d’adaptation, sans toutefois en convoiter le rôle principal, pourtant propice à une composition mémorable dans laquelle aurait tout à fait pu s’illustrer à ses débuts l'actrice révélée à 15 ans par le vétéran Robert Mulligan dans Un été en Louisiane (1991). Il y a en effet quelque chose d’emblématique dans cette histoire d’une gamine des années 60 qui grandit dans une atmosphère familiale viciée par un père tyrannique et va trouver en elle la force de résilience nécessaire pour se reconstruire en tant qu’adulte indépendante et responsable, loin de ce cadre toxique que sa mère a fui elle aussi sans jamais plus donner de ses nouvelles à ses enfants. Réfugiée dans une cabane nichée au cœur des marécages de Caroline du Nord, Kya, que les autochtones surnomment “La fille des marais”, va faire l’expérience de la marginalisation délibérée, avant de s’affirmer en tant que peintre et dessinatrice. Entre-temps, la mort suspecte d’un jeune homme qu’elle fréquentait va la désigner comme la coupable idéale aux yeux d’une communauté campée sur des certitudes d’un autre âge qui a toujours considéré avec suspicion ses velléités d’autonomie, sans rien savoir de son passé douloureux.
Harris Dickinson et Daisy Edgar-Jones
Là où chantent les écrevisses…, c’est en fait un lieu inaccessible voire chimérique que la mère de la romancière désignait comme un point ultime à atteindre pour trouver la félicité. C’est aussi le formidable portrait d’une jeune fille qui devient femme à une époque où règne la loi des mâles. Féministe convaincue, Reese Witherspoon a réuni une équipe à dominante féminine autour de la réalisatrice Olivia Newman -elle-même remarquée pour le court métrage First Match (2010) qui a donné naissance par la suite à son premier long, Mon premier combat (2018)- et de l’actrice britannique Daisy Edgar-Jones. Le film assume son registre mélodramatique, mais échappe au pathos à la fois par la haute tenue de son interprétation et la subtilité d’une mise en scène qui s’en remet pour une bonne part à la puissance de son propos solidement ancré à l’époque de la lutte pour les droits civiques et le Flower Power, sans que ces combats contemporains y jouent un rôle quelconque. C’est la chronique d’une Amérique rurale figée dans ses traditions où l’influence du progrès apparaît négligeable. Un monde proche de celui qu’a pu connaître Mark Twain au siècle précédent. Là où chantent les écrevisses est une élégie qui en dit long sur le chemin parcouru par les conquérants du Nouveau Monde pour devenir l’une des premières puissances mondiales. Avec en prime un magnifique portrait de femme libre.
Jean-Philippe Guerand
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