Accéder au contenu principal

“Flee” de Jonas Poher Rasmussen



Flugt Documentaire d’animation européen de Jonas Poher Rasmussen (2021), avec les voix de Daniel Karimyar, Fardin Mijdzadeh, Milad Eskandari, Belai Faiz, Elaha Faiz, Zahra Mehrwarz, Sadia Faiz, Georg Jagunov, Rashid Aitouganov… 1h29. Sortie le 31 août 2022.





Voici un projet parfaitement atypique qui relate le destin hors du commun d’un jeune réfugié afghan né à Kaboul dans les années 80, la fuite de sa famille pendant la guerre civile, son exil clandestin en Russie et son intégration au sein de la société danoise et de sa communauté gay. Un itinéraire de vie que Jonas Poher Rasmussen a décidé de raconter en mixant la vérité du documentaire et la liberté du cinéma d’animation. Une confession poignante qui s’impose par son caractère universel, un traitement graphique à la fois élégant et dépourvu de fioritures, mais aussi la contribution vocale des véritables protagonistes de cette quête existentielle solidement ancrée dans notre époque. Flee est un conte oriental universel qui reflète les paradoxes de notre temps et souligne à quel point tous les hommes ne naissent décidément pas libres et égaux, selon la terre où ils voient le jour sans jamais l’avoir choisi. Son message universel passe en l’occurrence par une forme hybride qui suscite une puissance d’empathie peu commune et a permis au film de jouer sur sa singularité bien tempérée.





Son personnage principal, le réalisateur l’a rencontré dès l’adolescence, mais a mis des années à percer son secret et surtout à le convaincre de lui confier son histoire hors du commun et encore douloureuse. Avec comme filtre rassurant cette distance naturelle qu’instaure l’animation par sa capacité d’abstraction et d’anonymisation des personnages et des lieux. L’histoire d’Amin est devenue ainsi emblématique du destin de son peuple martyr, mais aussi des grandes migrations qui conduisent des êtres opprimés à prendre la route à destination de territoires plus favorisés, quitte à tout abandonner derrière eux pour recommencer à zéro. Le caractère hybride de son traitement a valu à Flee près d’une centaine de récompenses internationales dont le Cristal du long métrage à Annecy et deux European Awards en 2021, ainsi que trois nominations aux Oscars en début d’année. Un palmarès qui reflète la folle démesure de ce projet ambitieux dont le message apparaît plus que jamais pertinent et réconfortant dans notre monde de plus en plus connecté mais souvent aussi de moins en moins altruiste.

Jean-Philippe Guerand








Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le paradis des rêves brisés

La confession qui suit est bouleversante… © A Medvedkine Elle est le fait d’une jeune fille de 22 ans, Anna Bosc-Molinaro, qui a travaillé pendant cinq années à différents postes d’accueil à la Cinémathèque Française dont elle était par ailleurs une abonnée assidue. Au-delà de ce lieu mythique de la cinéphilie qui confie certaines tâches à une entreprise de sous-traitance aux méthodes pour le moins discutables, CityOne (http://www.cityone.fr/) -dont une responsable non identifiée s’auto-qualifie fièrement de “petit Mussolini”-, sans nécessairement connaître les dessous répugnants de ses “contrats ponctuels”, cette étudiante éprise de cinéma et idéaliste s’est retrouvée au cœur d’un mauvais film des frères Dardenne, victime de l'horreur économique dans toute sa monstruosité : harcèlement, contrats précaires, horaires variables, intimidation, etc. Ce n’est pas un hasard si sa vidéo est signée Medvedkine, clin d’œil pertinent aux fameux groupes qui signèrent dans la mouva

Bud Spencer (1929-2016) : Le colosse à la barbe fleurie

Bud Spencer © DR     De Dieu pardonne… Moi pas ! (1967) à Petit papa baston (1994), Bud Spencer a tenu auprès de Terence Hill le rôle de complice qu’Oliver Hardy jouait aux côtés de Stan Laurel. À 75 ans et après plus de cent films, l’ex-champion de natation Carlo Pedersoli, colosse bedonnant et affable, était la surprenante révélation d’ En chantant derrière les paravents  (2003) d’Ermanno Olmi, Palme d’or à Cannes pour L’arbre aux sabots . Une expérience faste pour un tournant inattendu au sein d’une carrière jusqu’alors tournée massivement vers la comédie et l’action d’où émergent des films comme On l’appelle Trinita (1970), Deux super-flics (1977), Pair et impair (1978), Salut l’ami, adieu le trésor (1981) et les aventures télévisées d’ Extralarge (1991-1993). Entrevue avec un phénomène du box-office.   Rencontre « Ermanno Olmi a insisté pour que je garde mon pseudonyme, car il évoque pour lui la puissance, la lutte et la violence. En outre, c’était

Jean-Christophe Averty (1928-2017) : Un jazzeur sachant jaser…

Jean-Christophe Averty © DR Né en 1928, Jean-Christophe Averty est élève de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques (Idhec) avant de partir travailler en tant que banc-titreur pour les Studios Disney de Burbank où il reste deux ans en accumulant une expertise précieuse qu'il saura mettre à profit par la suite. De retour en France, il intègre la RTF en 1952 où il réalisera un demi-millier d'émissions de radio et de télévision dont Les raisins verts (1963-1964) qui assoit sa réputation de frondeur à travers l'image récurrente d'une poupée passé à la moulinette d'un hachoir à viande et pas moins de 1 805 numéros des Cinglés du music-hall (1982-2006) où il exprime sa passion pour la musique, sur France Inter, puis France Culture, lui, l'amateur de jazz à la voix inimitable chez qui les mots semblent se bousculer. Fin lettré et passionné par les images, l’iconoclaste Averty compte parmi les pionniers de la vidéo et se caract