Film helvéto-argentino-chilo-français de Marí Alessandrini (2021), avec Lara Tortosa, Santos Curapil, Cirilo Wesley, Sabine Timoteo, Pablo Limarzi, Federico Luque, Colo Susini, Carol Jones, Francisca Castillo, Michael Silva… 1h45. Sortie le 6 juillet 2022.
Santos Curapil et Lara Tortosa
Au fin fond de la steppe patagonienne, Mora est une fille de 13 ans égarée parmi des garçons qui l’excluent systématiquement de leurs jeux et de leurs activités. Dans ce monde franchement machiste, elle rêve pourtant en secret de pratiquer un métier d’homme : gaucho ou plutôt… gaucha. Un véritable défi dans ce monde clos où ont entrepris de s’installer ses parents, des écolos suisses italiens dont les rêves d’un monde qui se refuserait à “manger des animaux morts” se sont fracassés contre des coutumes ancestrales rétrogrades et qui envisagent de retourner en Europe. Jusqu’au jour où la gamine va prendre sur elle d’accompagner un vieux gaucho Mapuche en quête de son cheval disparu. Le charme du premier long métrage de Marí Alessandrini s’appuie pour une bonne part sur le caractère attachant de ses multiples niveaux de lecture. C’est un authentique récit initiatique qui s’attache au décalage abyssal qui existe entre des idéalistes occidentaux pétris de bons sentiments et encore prêts à s’émerveiller des miracles de la nature et des autochtones dont le quotidien éprouvant est conditionné par des pratiques immuables et une force d’inertie qui leur permet d’opposer une résistance passive déconcertante aux influences extérieures. Y compris à des prêcheurs évangélistes en quête de brebis égarées à ramener dans le droit chemin. Zahorí apparaît aussi comme un authentique cri du cœur féminin sinon féministe face à une société cadenassée par les mâles dès leur plus tendre enfance.
Lara Tortosa
Loin de bercer son film de vaines illusions, Marí Alessandrini préfère s’attacher à cette capacité à s’évader qui caractérise l’adolescence, à travers une rebelle bien inoffensive qui a vu s’effondrer les espoirs de ses parents et que son âge a contribué à éloigner de l’insouciance juvénile affichée par sa sœur cadette, encore trop innocente pour décrypter avec lucidité le monde des adultes et les crises qui déchirent leurs parents. C’est précisément au moment où tout s’effondre autour d’elle que Mora (une révélation, Lara Tortosa) décide de voler pour la première fois de ses propres ailes et d’aller en quelque sorte jusqu’au bout de son rêve, au moment même où sa famille se trouve confrontée à un dilemme existentiel : partir ou rester. Quelque chose de l'innocence du cinéma d’Albert Lamorisse (Crin Blanc, 1953) irradie ce film qui nous entraîne dans une autre dimension par la seule puissance de son regard, en soulignant à quel point la communion des autochtones avec la nature a érodé leur capacité d’émerveillement et laissé les prétendus progrès de la mondialisation les couper de leur identité. Le film nourrit aussi une filiation évidente avec le culte La randonnée (1971) de Nicolas Roeg, situé quant à lui au fin fond du Bush australien, par son immersion dans un monde sauvage et exotique, avec en prime l’ouverture vers les autres qu’elle implique. C’est l’une des premières oasis authentique de l’été.
Jean-Philippe Guerand
Lara Tortosa
Commentaires
Enregistrer un commentaire