Film mexico-franco-suédois de Michel Franco (2021), avec Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios, Henry Goodman, Albertine Kotting, Samuel Bottomley, Monica del Carmen, James Tarpey… 1h23. Sortie le 27 juillet 2022.
Tim Roth
Une famille insouciante passe des vacances de rêve à Acapulco. Rien ne semble pouvoir perturber sa joie de partager ces moments d’insouciance sous un soleil au beau fixe. Jusqu’au moment où un grain de sable vient enrayer cette belle mécanique : un deuil lointain qui contraint les touristes ainsi unis à replier leurs draps de bain et à repartir séance tenante. La carte postale idyllique se déchire. Alors que la femme repart séance tenante en Europe avec ses deux enfants, l’homme prétexte avoir égaré son passeport pour regagner une modeste pension de famille, en promettant de prendre un autre vol. Dès lors, plus rien ne se passe comme prévu. Au point que les rapports entre les protagonistes de cette histoire semblent plus compliqués que leurs vacances idylliques ne tendaient à nous le faire croire jusqu’alors. Réputé pour la radicalité de sa mise en scène, le cinéaste mexicain Michel Franco renonce ici aux longs plans-séquences qui ont contribué à sa réputation, mais pas à l’art des faux-semblants dans le domaine duquel il est passé maître. Sundown commence par nous bercer d’apparences trompeuses avant de les briser une à une. Chassez le naturel, il revient au galop…
Tim Roth, Henry Goodman
Albertine Kotting et Charlotte Gainsbourg
Sundown est une tragédie moderne d’une logique implacable qui s’inscrit dans la tradition de certains films sur l’incommunicabilité signés par Michelangelo Antonioni dans les années 60 et 70. C’est la chronique d’un rêve qui se brise brutalement en mille morceaux et va entraîner des dégâts collatéraux incalculables. Les images idylliques de cette famille européenne en villégiature dans un paradis touristique coupé de la réalité locale ne sont là que pour nous bercer d’illusions. Au point que les rapports qu’entretiennent ces adultes et ces enfants ne vont révéler leur véritable nature qu’en fonction des événements et que le principe de réalité va s’imposer sous l’aspect implacable du fameux fatum cher à la tragédie antique. Retrouvant l’acteur britannique Tim Roth qu’il avait déjà dirigé avec maestria dans Chronic pour lequel il avait obtenu le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2016, le réalisateur mexicain lui confie cette fois le rôle d’un Occidental déterminé à préserver son bonheur coûte que coûte en essayant d’échapper à son milieu. Un personnage qu’on peut juger égoïste, mais qui a le mérite d’aller au bout de sa détermination en se plaçant délibérément en marge de la société, quitte à tourner le dos à sa famille pour profiter d’un bonheur précaire et fugace dans les bras d’une autochtone.
Tim Roth
En adoptant le point de vue de cet individualiste forcené qui réalise que son bonheur individuel est incompatible avec les normes en usage au sein de la bourgeoisie européenne dont il est issu, Michel Franco signe un film authentiquement subversif et renonce à pas mal des effets de style qui ont contribué à sa réputation de trublion du cinéma mexicain. Ce formalisme envahissant qui semble aujourd’hui avoir réduit à un silence contraint ses compatriotes Carlos Reygadas et Amat Escalante, au moment même où les transfuges hollywoodiens Alejandro Gonzàlez Iñarritu, Alfonso Cuarón et Guillermo del Toro triomphent quant à eux à l’international. Franco s’appuie pour cela sur la personnalité ténébreuse de Tim Roth en héritier romantique cousinant avec certains protagonistes tout droit sortis des romans d’Ernest Hemingway, et le naturel volcanique de la comédienne locale Iazua Larios. Sundown est une grande errance méditative qui souligne les poids respectifs de l’inné et de l’acquis dans une société où le fait de changer de vie constitue peut-être le dernier combat majeur, notamment en raison de l’omniprésence des moyens de communication à notre disposition. Une réflexion existentielle abyssale qui confère à ce film une puissance à laquelle il est difficile de rester indifférent, tant elle est universelle.
Jean-Philippe Guerand
Charlotte Gainsbourg, Albertine Kotting et Tim Roth
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