Film français de François Ozon (2022), avec Denis Ménochet, Isabelle Adjani, Khalil Ben Gharbia, Hanna Schygulla, Stefan Crepon, Aminthe Audiard… 1h25. Sortie le 6 juillet 2022.
Denis Ménochet et Khalil Ben Gharbia
François Ozon est un cinéaste métronomique dont chaque film sort alors même que le précédent est déjà en production voire terminé. Il poursuit toutefois alternativement des projets de facture et d’ambition très différentes, mais toujours avec la même constance. Avec Peter von Kant, il porte à l’écran Les larmes amères de Petra von Kant pièce de Rainer Werner Fassbinder déjà à l’origine du film homonyme, cinéaste stakhanoviste allemand dont la première pièce lui avait déjà inspiré Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (2000). Deux films en miroir qui assument leur théâtralité et s’inscrivent dans le contexte tapageur des années 70. Le cinéaste qu’incarne aujourd’hui Denis Ménochet ressemble à s’y méprendre d’ailleurs à une résurrection vieillie de Fassbinder en personne (il n’est mort qu’à 37 ans), en proie à sa passion pour un jeune éphèbe avec qui il entretient des rapports sadomasochistes. Dans l’original, Ingrid Caven campait une créatrice de mode déchirée entre deux femmes. La masculinisation du sujet n’est pas innocente. Ozon s’approprie le texte de Fassbinder dont il tire une mise en abyme vertigineuse dans laquelle il nous contraint à le reconnaître… de très loin.
Isabelle Adjani et Denis Ménochet
Denis Ménochet évoque à dessein Fassbinder par sa carrure de colosse aux pieds d’argile que mène par le bout du nez ce jeune gigolo dont il sait très bien qu’il le quittera dès que la gloire sera venue… grâce à lui. Avec en guise d’arbitre cette actrice excentrique que campe Isabelle Adjani avec l’extravagance naturelle que lui a apporté le poids des ans. François Ozon ne cache pas la jubilation qu’il éprouve à mettre en scène cette petite danse de mort ont les protagonistes se comportent à dessein comme des sortes de pantins égarés dans un monde coupé du réel. En respectant l’unité de lieu et en assumant son look des années 70, le film insiste sur l’artificialité de ce monde coupé de la réalité. Pour avoir longtemps brouillé les pistes en passant d’un registre à l’autre avec un détachement assumé, dont son fidèle producteur affirme qu’il lui interdit d’aller au bout de lui-même afin de parachever le chef d’œuvre ultime de sa carrière pléthorique, le metteur en scène se livre sans doute davantage qu’il ne l’a jamais fait auparavant. Comme s’il s’agissait dans son esprit d’un galop d’essai préludant à une confrontation plus directe avec lui-même. À 54 ans, Ozon continue pourtant à brouiller les pistes comme l’atteste déjà son film suivant, le mystérieux Madeleine, qui réunit Isabelle Huppert, Nadia Tereszkiewicz, Dany Boon, Fabrice Luchini et André Dussollier. Nous ne sommes décidément pas au bout de nos surprises. Pas sûr qu’il se dévoile davantage dans cette adaptation de la pièce Mon crime !… signée en 1934 par Louis Verneuil et Georges Berr qui s’inscrit quant à elle dans la veine de ces adaptations théâtrales que constituaient déjà Huit femmes (2001), d’après Robert Thomas, et Potiche (2010), d’après Barillet et Grédy.
Jean-Philippe Guerand
et Aminthe Audiard





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