Film français de Damien Manivel (2022), avec Elsa Wolliaston, Aimie Lombard, Olga Mouak, Saphir Shraga… 1h18. Sortie le 20 juillet 2022.
Elsa Wolliaston
Qu’a donc bien pu devenir Marie-Madeleine après la mort de Jésus ? Telle est la question à laquelle entreprend de répondre Damien Manivel dans son nouveau film. Une interrogation mystique et apaisée qui passe chez lui par une profonde communion avec la nature. Cette figure mystique qui a beaucoup inspiré les artistes, le cinéaste, le réalisateur l’a décrit sous la forme d’une chronique comme une sorte de veuve inconsolable condamnée à errer et à trouver le réconfort parmi ses souvenirs. Magdala est une histoire sans paroles qui vibre au rythme des bruits de la nature. C’est la longue déambulation d’une femme qui a rencontré le fils de Dieu et ne peut plus se satisfaire dès lors de la simple compagnie des hommes. Damien Manivel dit avoir nourri son film du point de vue qu’a apporté le Moyen-Âge sur cette histoire éternelle. Avec cette inconnue que représente la vieillesse de la sainte, en revanche peu ou pas représentée. Les trente années qu’elle a passées seule dans son ermitage attisent l’imagination du cinéaste. Son film se présente dès lors comme un retour aux origines où les gestes reprennent le pas sur les mots et laissent la place à un silence rempli de pensées et de quelques saillies en araméen qu’il se garde bien d’extrapoler ou même simplement d’expliciter. Signe qui ne trompe pas, aucun des films réalisés à ce jour par Manivel n’a atteint une heure et demie. Il est décidément hors-normes sur tous les points.
Olga Mouak et Saphir Shraga
Magdala est indissociable de son interprète principale, Elsa Wolliaston, dont le visage est filmé comme un paysage. Damien Manivel affirme lui avoir appliqué sa théorie des fantômes en se confrontant à ses souvenirs et à ses visions, avec cette figure fugace mais présente par intermittences de Jésus dont la rencontre a illuminé sa destinée terrestre. Comme un amant lointain laisse des traces de son passage à celle qui a croisé sa route et vivra jusqu’à sa disparition dans son souvenir. Damien Manivel applique en quelque sorte une grille laïque à un mythe fondateur de la foi catholique. Dès lors, il cultive à dessein une confusion entre cette figure biblique si souvent représentée par l’art et son interprète, la danseuse Elsa Wolliaston, qu’il a déjà dirigée dans deux de ses films précédents et dont le corps est l’outil principal : le court métrage La dame au chien (2010), puis le long Les enfants d’Isadora (2019), prix de la mise en scène au festival de Locarno. Sa mort, il l’a mise en scène dans le décor le plus dépouillé qui soit : une grotte éclairée par quelques bougies, qui plus est en pellicule, à la manière des toiles épurées du peintre Georges de La Tour. Magdala est en outre un film qui intègre les éléments comme faisant partie intégrante d’un monde encore à l’âge des possibles où l’être humain est presque un animal comme les autres par sa communion primale avec la nature qui trouve de troublants échos dans le monde d’aujourd’hui en proie aux dérèglements climatiques les plus extrêmes. Pareille invitation au voyage ne peut se refuser. Il s’agit d’un apaisement sans pareil.
Jean-Philippe Guerand
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