Film français de Pierre Salvadori (2022), avec Paul Belhoste, Laurent Capelluto, Mathys Clodion-Gines, Aymé Medeville, Colombe Schmidt, Redwan Sellam, Pio Marmaï, Téva Aa… 1h46. Sortie le 20 juillet 2022.
Aymé Medeville, Mathys Clodion-Gines et Redwan Sellam
Pierre Salvadori figure parmi les orfèvres les plus subtils du cinéma français dans un domaine ô combien controversé : la comédie. À cette nuance près que chez lui, le rire n’est jamais gras et qu’une certaine fantaisie parfois nourrie de non-sens est de rigueur. Avec La petite bande (rien à voir avec le film réalisé par Michel Deville en 1983, sinon l’audace frondeuse de ses protagonistes), il s’adresse délibérément au jeune public sans jamais céder à la complaisance ni à la vulgarité. Les gamins qu’il met en scène se muent en preux chevaliers de l’écologie pour empêcher de nuire le patron d’une usine qui déverse en toute impunité des substances toxiques dans la nature. Armés de leur bon sens, de culot et d’une certaine ingéniosité, nos jeunes héros entreprennent une expédition punitive dont les conséquences vont s’avérer beaucoup plus considérables que dans leurs rêves les plus fous. C’est dans ces circonstances que le talent de Salvadori s’épanouit. Suivant les préceptes d’Yves Robert dans La guerre des boutons (1962) ou de François Truffaut dans L’argent de poche (1976), il confronte un Club des Cinq d’aujourd’hui guidé par ses certitudes de jeunes citoyens idéalistes à des adultes cyniques, irresponsables ou dépassés qui n’ont pas davantage conscience de l’urgence environnementale que du paysage dévasté qu'ils laisseront après leur passage. Chacun à sa façon, de celui qui cherche à s‘intégrer au groupe à la jolie fille qui fait chavirer les cœurs et à ses soupirants admiratifs de son audace de garçon manqué.
Redwan Sellam, Aymé Medeville et Colombe Schmidt
Le talent de Pierre Salvadori s’exerce en premier lieu dans sa façon de caractériser ses protagonistes. D’abord, ces enfants qui découvrent la vie avec ses merveilles, ses surprises et ses premières désillusions. Ensuite quelques adultes réduits à leur fonction sociale dont ce patron scélérat que campe Laurent Capelluto dans un numéro d’anthologie, aux antipodes du père impuissant qu’il incarnait il y a peu dans un autre film consacré à l’âge tendre, sur un tout autre registre, Un monde de Laura Wandel. L’audace de La petite bande réside dans son traitement qui n’hésite pas à flirter avec les excès du cinéma d’animation dans des envolées d'une jubilation communicative. Salvadori possède un sens du burlesque qui lui permet de traiter certaines séquences sans se croire obligé de s’en remettre au dialogue. La petite bande est une mécanique de haute précision qui fait confiance à ses interprètes, sans les submerger pour autant de mots d’auteur superfétatoires. Le message écologiste ne s’embarrasse ni de rebondissements inutiles ni de mots d’auteur pétillants. C’est un film pour enfants qui revendique sa modernité et surtout son engagement citoyen en un temps où l’on a une fâcheuse tendance à dénier à la jeunesse une volonté de réparer les erreurs qui ont conduit au réchauffement climatique et aux pires aberrations sur le plan environnemental. Ce spectacle familial parfois désopilant façon cartoon est en cela une comédie d’aventure engagée qui fait passer la pilule de notre mauvaise conscience collective avec autant d’amour que d’humour.
Jean-Philippe Guerand
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