Miracol Film roumano-tchéco-letton de Bogdan George Apetri (2020), avec Ioana Bugarin, Emanuel Parvu, Cezar Antal, Ovidiu Crisan, Valeriu Andriutã, Valentin Popescu, Marian Ralea, Noora Covali, Mircea Postelnicu… 1h58. Sortie le 20 juillet 2022.
Ioana Bugarin
Une jeune novice sort du couvent pour se rendre en ville. Sur sa route, après avoir troqué sa tenue de nonne contre des vêtements civils plus discrets, elle va croiser sur son itinéraire divers individus qui vont modifier le cours de son destin et influer sur l’objet même de son périple. Comme son titre français le souligne assez justement, Dédales se présente comme un labyrinthe à l’issue incertaine qui témoigne de la part de son réalisateur d’une virtuosité dont il use et parfois abuse, au point de nous inciter à douter de ce qu’il nous a montré auparavant. Le titre original, Miracle, confère au film une toute autre signification. Son auteur est un cinéaste roumain qui est allé apprendre son métier aux États-Unis et met aujourd’hui son expertise au service d’une histoire profondément ancrée dans sa terre natale. Bogdan George Apetri a par ailleurs étudié le droit et exercé comme avocat au pénal avant de se tourner vers le cinéma. Un apprentissage atypique qu’il met ici au service d’une histoire au fond assez tordue dont il trouble la limpidité par un recours à l’onirisme extrêmement troublant. Son troisième long métrage témoigne de sa maîtrise narrative et de la solidité de sa direction d’acteurs, notamment à travers la jeune femme énigmatique que campe la troublante Ioana Bugarin, déjà à l’affiche de son opus précédent.
Ioana Bugarin
Dédales s’inscrit dans la tradition naturaliste du cinéma roumain, tout en proposant une relecture du cinéma policier traditionnel qui n’apparaît qu’au cours du dernier tiers de cette histoire plutôt sordide d’où la notion de foi est paradoxalement absente. Il ne s’agit là que d’une des multiples fausses pistes sur lesquelles nous entraîne ce Road Movie mis en scène avec une virtuosité qui a le bon goût de ne jamais s’afficher ostensiblement en tant que telle. L’une des audaces narratives du film consiste à changer de personnage principal, donc de point de vue aux deux tiers de sa durée, quitte à perturber notre regard de spectateur en jetant un trouble savamment entretenu. Bien qu’en sélection officielle au dernier festival Reims Polar, ce parcours initiatique singulier présente surtout les stigmates d’une étude de mœurs ancrée dans la Roumanie d’aujourd’hui où un antagonisme radical entre les villes et les campagnes subsiste de l’ère Ceaucescu. Le film s’impose en outre par le portrait magistral qu’il dresse d’une jeune femme à la croisée des chemins dont la décision va conditionner les choix existentiels. C’est en cela un instantané d’une grande finesse psychologique.
Jean-Philippe Guerand
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