Film suédo-polonais de Magnus von Horn (2020), avec Magdalena Kolesnik, Julian Swiezewski, Aleksandra Konieczna, Zbigniew Zamachowski, Tomasz Orpinski, Lech Lotocki, Magdalena Kuta, Dominika Biernat… 1h46. Sortie le 15 juin 2022.
Magdalena Kolesnik
Sylwia est une jeune femme de son temps qui fait figure de référence dans le cercle très fermé des influenceuses, catégorie coach sportive. Sa sueur est contagieuse et son énergie communicative. Pourtant, sous le survêtement de la diva bat aussi un cœur et ses quelque six cent mille followers ne suffisent pas à compenser le désert affectif dans lequel elle stagne. Cruelle parabole de notre époque où les “likes” ne sont ni de l’amour ni même des preuves d’amour, mais les cache-misères dérisoires d’une notoriété virtuelle dépourvue de fondements. Sweat montre avec cruauté l’envers du décor : celui d’une jeune femme qui a tout pour plaire et se satisfait de son statut illusoire de diva du fitness, au point de s’être recluse malgré elle dans une bulle de solitude absolue dont l’éclatement va la renvoyer à tout ce que sa situation a de factice et de superficiel. Dès lors, le moindre effet du réel se révèle dévastateur et la renvoie à sa condition au fond bien peu enviable, tant elle s’est déconnectée du réel malgré elle.
Magdalena Kolesnik
Sweat est un conte cruel de notre époque qui souligne à la fois l’absurdité et la vacuité dans lesquelles évoluent les accro des réseaux sociaux, mais aussi la suprême solitude qu’ont engendré ces nouveaux rapports humains à distance en établissant peu à peu à notre insu un nouveau rapport à la vérité. Magnus von Horn n’a eu qu’à écumer les réseaux sociaux pour nourrir son scénario d’une terrible amertume que personnifie à merveille la comédienne polonaise omniprésente Magdalena Kolesnik. Celle de ces influenceuses en tous genres que leurs abonnés considèrent comme des quasi-divinités du Web, mais dont la vie quotidienne ressemble bien souvent à un naufrage ponctué de cœurs et de smileys, dans le meilleur des cas. Comme si le simple fait de se surexposer au regard de tous revenait à construire une prison dorée mais hermétique autour de gloires illusoires. En s’aventurant dans l’envers du décor, Sweat dresse un portrait saisissant d’une société à deux vitesses qui préfigure en fait le fameux Metaverse dans lequel certains magnats aimeraient enfermer la frange la plus déshéritée de la population afin de la transformer en une sorte de société alternative destinée à annihiler toute velléité de rébellion et à noyer l’effet de la réalité de la misère sociale dans un gloubi-boulga numérique du plus terrible effet. On a les idoles qu’on mérite…
Jean-Philippe Guerand
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