Documentaire franco-israélien de Michale Boganim (2021), avec Reuven Abergel, Erez Biton, Maayane Elfassy Boganim… 1h37. Sortie le 8 juin 2022.
Née en Israël, mais élevée en France, Michale Boganim n’a jamais cessé d’exercer un. regard critique sur le monde qui l’entoure. Son nouveau documentaire s’attache au sort réservé par l’état hébreu à ses immigrés d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, traités comme des parias et victimes de discriminations dans leur processus d’intégration qui ont fait de la plupart d’entre eux des citoyens de seconde zone assignés dans des cités et réduits à devenir le prolétariat de leur nation. Pour avoir grandi dans ce milieu séfarade, la réalisatrice a pu mesurer les conséquences de cet ostracisme d’État et évoque en pleine connaissance de cause un tabou méconnu dont le titre de son film souligne la profonde injustice. Au point que cette politique a donné lieu dans les années 70 à un mouvement de révolte qui s’est fédéré sous l’appellation ô combien symbolique des Black Panthers, en référence au célèbre mouvement anti-discriminatoire américain qui faisait alors entendre ses doléances légitimes.
Mizrahim - Les oubliés de la Terre Promise s’attache à une blessure que certains ont vécu comme un traumatisme, en se trouvant immergés à leur insu dans une société à deux vitesses dont ils sont devenus en quelque sorte les parias malgré eux. Une injustice vécue comme une véritable douleur par des colons qui s’attendaient à être accueillis comme des frères prodigues par ceux qui les avaient précédés et en ont contracté une amertume qui a incité certains d’entre eux à repartir comme ils étaient venus, mais vers d’autres horizons, notamment européens. Michale Boganim étaye son propos de nombreuses rencontres avec ces Israéliens de seconde zone qui en ont parfois conçu une certaine amertume baignée de désillusion. À travers ce périple dans un monde méconnu sinon ignoré, la réalisatrice projette un éclairage unique sur un pays d’accueil dont le peuplement s’est opéré dans un égalitarisme illusoire rarement pris en compte par le cinéma. Ce film chargé davantage d’amertume que de colère est un témoignage précieux sur la difficulté que constitue l’unification d’un peuple façonné de multiples origines. Il nous invite à une réflexion aussi nécessaire que douloureuse sur les leurres qui ont engendré une nation.
Jean-Philippe Guerand
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