Film britannique d’Alex Garland (2022), avec Jessie Buckley, Rory Kinnear, Paapa Essiedu, Gayle Rankin, Sonoya Mizuno, Sarah Twomey, Zak Rothera-Oxley… 1h40. Sortie le 8 juin 2022.
Jessie Buckley
D’Alex Garland, on connaît surtout le film chic et choc qu’il a naguère inspiré à Danny Boyle, La plage (2000), mais dont l’adaptation avait été confiée à John Hodge. Ce qui n’a pas empêché le réalisateur de lui confier le script de 28 jours plus tard (2002), puis celui de Sunshine (2007). Depuis, l’écrivain anglais est devenu lui-même cinéaste avec Ex machina (2014) et l’on serait curieux de voir le traitement que son expérience l’aurait conduit à infliger à sa propre prose. Son œuvre en tant que réalisateur s’est en effet imposée par sa singularité et une passion sans réserve pour la science-fiction et les nouvelles technologies qui l’ont incité à contribuer à la conception du jeu vidéo “Enslaved : Odyssey to the West”. Sous l’apparence d’un film d’horreur traditionnel, Men s’attache à la psyché d’une femme qui part s’isoler dans la campagne anglaise à la suite d’un drame personnel et commence à voir se matérialiser ses fantasmes les plus extrêmes. Au point de larguer les amarres de sa raison et de se mettre en danger.
Rory Kinnear et Jessie Buckley
Men est un film indissociable de son interprète principale, la comédienne irlandaise Jessie Buckley, nommée cette année à l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour sa performance impressionnante dans The Lost Daughter de Maggie Gyllenhaal, mis en ligne sur Netflix. Son jeu minimaliste exprime toute la complicité d’un personnage en proie à ses démons que Garland met en scène avec une folie visionnaire croissante, à l’instar de ce personnage masculin obsessionnel qui ne cesse d’accoucher d’êtres identiques de taille adulte et de se multiplier ainsi comme autant de clones malfaisants d’une figure masculine terrifiante. Synthèse fulgurante de la hantise d’un machisme dominateur qui résume à lui seul l’enfer des violences conjugales du point de vue d’une victime dont la raison vacille en raison du traumatisme subi. Rarement le cinéma a aussi brutalement montré une telle réalité psychologique en transcendant les attributs traditionnels du cinéma de genre. C’est là où Garland va au bout de son propos avec radicalité mais sans complaisance.
Jean-Philippe Guerand
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