Film français de Michel Leclerc (2022), avec Rebecca Marder, Félix Moati, Judith Chemla, Philippe Rebbot, Eye Haïdara, Artus, Baya Kasmi, François Morel… 1h50. Sortie le 22 juin 2022.
Judith Chemla
La disparition d’une chanteuse naturaliste oubliée provoque la rencontre imprévue du jeune ambitieux chargé de régler sa succession et d’une artiste qui avait passé plusieurs mois dans l’intimité de la disparue à enregistrer un premier album avec elle. Au point de devenir en quelque sorte la protégée de cette artiste ex-soixante-huitarde braquée contre le système. Comme de bien entendu, c’est sous le signe de la défunte que ces jeunes gens a priori bien mal assortis vont apprendre à se connaître et à se respecter, malgré tout ce qui peut les séparer. On reconnaît là le goût du réalisateur du Nom des gens pour un idéalisme qui confine parfois à l’utopie. Il s’appuie pour cela ici sur trois comédiens atypiques. D’abord Judith Chemla qui se vieillit de façon spectaculaire pour camper cette chanteuse du temps de l’amour libre et ne laisse à personne d’autre le soin d’interpréter ses ritournelles. Un tour de force au fond assez rare a cinéma où il est plutôt d’usage pour les comédiens de se rajeunir à grands renforts de diffuseurs et de maquillage que de se projeter dans un avenir rarement flatteur. Comme chien et chat, l’étoile de la Comédie française Rebecca Marder (vue récemment dans Une jeune fille qui va bien) et le toujours impeccable Félix Moati composent un couple tel que les adorait la comédie hollywoodienne : ils ne partagent a priori aucune valeur, mais finiront par aplanir leurs différences et leurs différends sur l’autel du plus improbable des amours.
Rebecca Marder
Les goûts et les couleurs est un film en plein dans l’air du temps dont les protagonistes sont aussi éloignés que possible l’un de l’autre sur tous les plans, à l’image de la bipolarisation de la société française contemporaine où une gauche idéaliste jusqu’à la naïveté semble condamnée à se fracasser inéluctablement contre les suppôts d’un matérialisme cynique et forcené. Le tout sans ménager beaucoup d’espace aux rêveurs et aux poètes, ces parents pauvres de notre époque troublée. Michel Leclerc et sa coscénariste Baya Kasmi croient au bonheur et le prouvent film après film sans accepter de baisser la garde. Avec en bonus dans celui-ci des chansons plutôt enlevées qui mettent le sourire aux lèvres, comme autant de bulles de joie et d’optimisme qui flottent dans un univers impitoyable. En si brillante compagnie, ce Feel Good Movie bourré de bons sentiments ne peut que distiller du plaisir et de l’espoir. On aurait bien tort de s’en priver. Le monde actuel est suffisamment morose pour qu’on ait envie de le voir paré d’atours plus flatteurs lorsqu’on va au cinéma pour se changer les idées. Et cette formule n’est pas un vain mot…
Jean-Philippe Guerand
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