Film luxembourgo-franco-belge de Nicolas Steil (2021), avec Simon Abkarian, Pascale Arbillot, Django Schrevens, André Jung, Michel Vuillermoz, Éric Caravaca, Héléna Noguerra, Mathilda May, Brigitte Fossey, Roxane Duran… 1h55. Sortie le 15 juin 2022.
Simon Abkarian, Brigitte Fossey et Éric Caravaca
Dans son Deli dédié au cinéma, Saül voit passer et repasser des clients qui sont devenus pour la plupart des amis. Sa rencontre simultanée avec des jeunes gens passionnés par le septième art et une femme mystérieuse et distante va le renvoyer à son passé d’enfant rescapé de la Solution Finale en l’obligeant à exprimer sa douleur trop longtemps tue. Sujet ambitieux qui donne lieu à un film résolument optimiste sur un sujet pourtant très grave. En refusant le pathos, Nicolas Steil est parvenu à trouver la juste distance entre l’étude de mœurs et la chronique sociale. Le mérite en revient certes à la technique du scénariste chevronné Michel Fessler qui imbrique avec talent un présent insouciant avec un passé tragique dépourvu de mélo, mais aussi à la qualité de la distribution toujours pertinente. Le toujours impeccable Simon Abkarian trouve un nouveau rôle à sa démesure en ce personnage de patron de restaurant enthousiaste et parfois hâbleur qui, comme bon nombre de survivants de la Shoah, a choisi de ne jamais laisser ses souvenirs gâcher son existence en l’empêchant de poursuivre son cours naturel. Avec en contrepoint de brèves irruptions dans le passé traitées avec autant de dépouillement que de pudeur.
Simon Abkarian et Pascale Arbillot
Sous ses dehors résolument populaires et son ton bon enfant, Le chemin du bonheur trouve une alternative audacieuse aux évocations solennelles de la Shoah auxquelles nous a habitué le cinéma. Il évoque pour cela le réseau oublié du Kindertransport qui a permis d’exfiltrer des enfants juifs de Vienne à Bruxelles. Le film s’inspire d’un roman autobiographique d’Henri Roanne intitulé “Le cinéma de Saül Birnbaum” dont le réalisateur a choisi de transposer le fameux Delicatessen de New York à Bruxelles pour des raisons de budget et par respect de la réalité. Il est par ailleurs empreint d’une passion du septième art qui est celle de son héros charismatique, mais aussi de Nicolas Steil qui possède également une solide réputation de producteur. Un enthousiasme qui passe aussi par la richesse de la distribution et offre un contre-emploi magnifique à Pascale Arbillot sur la corde raide des sentiments et d’une mémoire obsessionnelle. Cette “histoire vécue” s’impose à la fois comme une belle leçon de résilience et une célébration du cinéma dans ce qu’il peut avoir de plus enthousiasmant. À l’instar de son titre qui souligne justement sa tonalité et fut déjà celui de plusieurs autres films de factures et de nationalités diverses par le passé.
Jean-Philippe Guerand
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