Gyokou no Nikuko-chan Film d’animation japonais d’Ayumu Watanabe (2021), avec (voix) Cocomi, Shinobu Ôtake, Izumi Ishii… 1h37. Sortie le 8 juin 2022.
Nikuko respire la joie de vivre. Dans un Japon où seules les combattants sumo ont droit à l’embonpoint, cette mère célibataire ne prête guère attention à sa ligne et affiche des rondeurs qui reflètent sa joie de vivre et sa conception hédoniste de l’existence. Le jour où elle décide d’aller s’installer dans un bateau amarré dans un village de pêcheurs et se fait engager dans un restaurant traditionnel, elle trouve un nouveau sens à sa destinée, malgré ses relations houleuses avec son adolescente de fille, Kikurin. La chance sourit à madame Nikuko s’inspire d’un best-seller de Kanako Nishi dont un humoriste renommé a décidé de produire l’adaptation cinématographique, en la confiant au réalisateur des Enfants de la mer (2019), Ayumu Watanabe. Son personnage principal est une matrone atypique par rapport à la tradition japonaise, à la fois en raison de sa corpulence assumée, qui reflète son goût pour les bonnes choses, et de son caractère extraverti qui tranche là aussi avec la retenue ambiante. Une nature expansive et généreuse que le producteur se plaît à mettre sur le compte de la région natale de cette femme joyeuse, le Kansai, dont il est lui-même originaire.
La chance sourit à madame Nikuko est une fable résolument souriante qui soulève toutefois des questions existentielles fondamentales en les inscrivant dans un cadre traditionnel. Sous l’impulsion du directeur de l’animation Kenishi Konishi, lequel a effectué ses premières armes sur Mes voisins les Yamada (1999) d’Isao Takahata et utilise ici les pinceaux et les brosses avec une virtuosité impressionnante, en donnant une grâce aérienne à cette chronique intimiste et à ses protagonistes qui évoluent dans un environnement quotidien auquel le graphisme confère un supplément de grâce et d’élégance. Cette tranche de vie souvent désopilante et parfois poignante constitue une délicieuse immersion dans un Japon éternel que le cinéma traditionnel a renoncé peu à peu à prendre pour cadre, comme y avaient si bien réussi pendant des décennies des maîtres de l’intimisme tels que Yasujiro Ozu ou Mikio Naruse, sans pour autant jamais succomber au folklore ou au pittoresque. C’est l’apanage de l’animation de pouvoir emprunter les voies les plus singulières, sans pour autant éprouver la nécessité de se figer dans une admiration béate. Ce film magnifique nous en fournit une nouvelle démonstration magistrale.
Jean-Philippe Guerand
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