Film français de Quentin Dupieux (2022), avec Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel, Anaïs Demoustier, Lena Lapres, Mikaël Halimi, Roxane Arnal, Nagisa Morimoto… 1h14. Sortie le 15 juin 2022.
Alain Chabat et Benoît Magimel
Un couple visite une maison. Jusqu’au moment où l’agent immobilier leur fait part d’un détail vraiment hors du commun. Les lieux possèdent une caractéristique unique : une trappe qui mène à un passage dont la traversée provoque un rajeunissement infime de celle ou celui qui l’emprunte… sans que son usage constitue en aucun cas une obligation, ni que ce phénomène inexplicable s’avère spectaculaire au point d’engendrer un séisme temporel au long cours. Au fil du temps, pourtant, madame effectue des allées et venues de plus en plus régulières dans ledit conduit, sans que ses conséquences se révèlent véritablement spectaculaires aux yeux de son entourage. Le trouble patent est plutôt d’ordre psychologique que biologique. Comme si la simple idée de rajeunir suffisait à son bonheur, tout en engendrant de sa part une frénésie aussi irrationnelle qu’exponentielle, au vu de la minceur des effets engendrés. Simultanément, le couple en fréquente un second qui n’a pas grand-chose à lui envier, mais suit une toute autre ligne de vie. On reconnaît désormais le cinéma de Quentin Dupieux à son irrésistible propension à s’appuyer sur des caractères sinon excentriques, mais toujours un rien décalés. Une qualité indissociable du soin qu’il apporte au casting, puis à son corollaire, la direction d’acteurs.
Benoît Magimel
Incroyable mais vrai tranche avec la comédie française traditionnelle par son goût du fantastique, de l’absurde voire ici d’un imaginaire irrationnel qui tranche avec le cartésianisme de rigueur. Quentin Dupieux se garde pourtant bien de se moquer de ses personnages voire simplement de les juger de haut. Il les aime comme ils sont, avec une prédilection pour la vanité, et cela même alors qu’ils ne semblent pas la remarquer, ni chez eux, ni chez leurs partenaires. En l’occurrence, il associe cette fois à deux de ses fidèles, Alain Chabat et Anaïs Demoustier, deux nouveaux venus en la personne de Léa Drucker et Benoît Magimel. En proposant à chacun d’eux un défi authentique. De la même façon qu’un entraîneur a coutume de procéder avec un champion pour l’encourager à se transcender. Si la notion de cinéma d’auteur possède encore un sens, elle atteint ici une sorte d’apothéose, le scénariste et réalisateur cumulant par ailleurs aussi les fonctions de chef opérateur, de monteur et se passant allègrement de script-girl pour veiller lui-même à l’harmonie des raccords. Ce franc-tireur rigoureux est ainsi parvenu à occuper une place dans le cinéma français en enchaînant les films avec régularité. Au point de déclarer à propos du suivant, Fumer fait tousser, présenté en séance de minuit au dernier Festival de Cannes, que le système économique actuel ne lui permettrait de se lancer dans son projet suivant qu’une fois qu’au moins l’un des deux précédents serait effectivement soumis au verdict du public. C’est chose faite et bien faite, avec le soutien d’un groupe d’inconditionnels qui s’accroît film après film. Et ce n’est sans doute qu’un début…
Jean-Philippe Guerand
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