Ich Bin dein Mensch Film allemand de Maria Schrader (2021), avec Maren Eggert, Dan Stevens, Sandra Hüller, Hans Löw, Wolfgang Hübsch, Anniika Meier, Jürgen Tarrach, Falilou Seck, Henriette Richter-Röhl… 1h45. Sortie le 22 juin 2022.
Dan Stevens et Maren Eggert
Dans un avenir assez proche, une scientifique accepte de se soumettre à une expérience singulière : partager la vie d’un être parfait. En l’occurrence, Tom, un prototype de robot à visage masculin qui a été programmé pour remplir la fonction ardue de compagnon idéal capable de faire face à toutes les situations avec une réactivité très supérieure à celle de n’importe quel partenaire humain, trop humain. Dans un monde qui a tendance à se désincarner en reléguant les rapports sentimentaux à la portion congrue, sous l’effet illusoire des réseaux sociaux, I’m Your Man propose une solution alternative séduisante à tous les sens du terme, en réfléchissant sur la notion même d’engagement, à une époque où l’instinct grégaire de notre espèce n’a jamais autant généré de solitude et de repli sur soi. Tom apparaît à la fois comme un chevalier servant dépourvu d’états d’âme dont l’existence même est conditionnée à l’exécution de toutes les tâches que lui assigne sa partenaire. Avec à la clé la promesse d’un bonheur sans engagement donc dénué de risques et de désillusions. Grâce à lui et ses semblables, tout risque d’erreur semble écarté. Jusqu’au moment où survient un imprévu, plutôt de nature à nous rassurer sur notre capacité à nous tromper. C’est cette marge d’erreur qu’explore Maria Schrader dans une approche clinique des sentiments.
Maren Eggert et Dan Stevens
La réalisatrice allemande traite I’m Your Man sous la forme d’une fable moderne qui doit moins à la théorie du maître et de l’esclave développée dans The Servant d’Harold Pinter et Joseph Losey qu’à l’angélisme trompeur du roman d’Aldous Huxley “Le meilleur des mondes”. Cette comédie sentimentale baignée d’amertume évoque en fait davantage un film aujourd’hui oublié qui en portait les germes : Et la femme créa l'homme parfait (1987) d’une autre réalisatrice, américaine celle-là, Susan Seidelman. Dans un cas comme dans l’autre, l’artifice technologique n’est qu’un prétexte à une réflexion plus vaste sur la solitude de l’individu égaré parmi une foule anonyme, tel qu’aurait pu le dessiner Sempé. La mise en scène est ici purement fonctionnelle et se garde de tout lyrisme artificiel. L’interprétation confine par ailleurs à une retenue qui sert parfaitement le propos, notamment pour ce qui concerne le jeu épuré à l’extrême de ses interprètes féminines Maren Eggert et Sandra Hüller. I’m Your Man propose une variation un rien désabusée autour des fameux “Fragments d’un discours amoureux” de Roland Barthes, en distillant une vision terriblement accablante d’une humanité en voie de désincarnation pure et simple. Ce tableau de mœurs ne peut laisser indifférent et renouvelle le concept même de comédie sentimentale si cher au cinéma.
Jean-Philippe Guerand
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