Film belgo-franco-espagnol de Giordano Gederlini (2021), avec Antonio de La Torre, Marine Vacth, Olivier Gourmet, Fabrice Adde, Nessbeal, Tibo Vandenborre, Marie Papillon, Noé Englebert, Wim Willaert… 1h35. Sortie le 29 juin 2022.
Olivier Gourmet et Marine Vacth
Lorsqu’un conducteur de métro voit son fils se jeter sous sa rame, il se trouve confronté au passé nébuleux du disparu avec lequel il avait perdu tout contact. Le point de départ d’Entre la vie et la mort ressemble à celui d’un drame psychologique. Il donne en fait la tonalité d’un film noir d’un classicisme éprouvé dont les protagonistes ne sont jamais exactement ceux qu’on croit. D’origine chilienne, le réalisateur Giordano Gederlini, qui a notamment coécrit Les misérables pour Ladj Ly, choisit pour protagoniste principal un déraciné qui se trouve confronté malgré lui à ses responsabilités de père, face à des personnages dénués de scrupules et passablement paumés pour certains d’entre eux, avec dans un bel effet miroir cet autre tandem père-fille qu’incarnent Olivier Gourmet et Marine Vacth. Le scénario s’appuie sur ces figures humaines fragiles pour dépeindre la tentative de rédemption d’un homme sans histoire qui décide de faire face à ses responsabilités au sein même d’une société dans laquelle il s’est efforcé de se fondre pour éviter de se faire remarquer. C’est la figure traditionnelle du mouton enragé tel que l’a déclinée à plusieurs reprises le grand Jean-Pierre Melville : un homme tranquille acculé dans ses ultimes retranchements par les circonstances, mais qui n’a pourtant rien d’un héros.
Antonio de La Torre et Olivier Gourmet
Le leitmotiv de ce film classique semble être qu’on ne naît pas héros, mais que ce sont les circonstances qui peuvent pousser certains êtres à le devenir. Giordano Gederlini trouve en l’acteur espagnol Antonio de La Torre l’interprète idéal de ce personnage laconique que les circonstances poussent à assumer ses responsabilités après avoir pris en quelque sorte le maquis dans son pays d’accueil. Sans se muer en héros à proprement parler, cet homme discret et taiseux va faire face à ses responsabilités en père tranquille contraint de nettoyer les écuries d’Augias pour préserver ce qui peut encore l'être de sa vie en miettes. Entre la vie et la mort dessine des volutes en s’appuyant sur un argument qui fait la part belle aux personnages, mais sait éviter les grands discours pour se concentrer autour de l’essentiel : une atmosphère crapoteuse ponctuée de rapports humains trompeurs et de faux-semblants, bien au-delà du bien et du mal. Dans un monde underground dont les fondations sont gangrénées et où tous les coups semblent permis, surtout les plus bas. Avec son lot de personnages à double face et d’autres sous influence. La mise en scène excelle à laisser suinter cette ambiance délétère, sans nourrir beaucoup d’illusions quant à la moralité de notre société où le respect illusoire de l’ordre va de pair avec l’organisation méthodique de la zizanie. C’est l’apanage du polar que de fonctionner par l’absurde.
Jean-Philippe Guerand
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