Film américain de Baz Luhrmann (2022), avec Austin Butler, Tom Hanks, Alton Mason, Kodi Smit-McPhee, Luke Bracey, Olivia de Jonge, Yola, Helen Thomson… 2h39. Sortie le 22 juin 2022.
Du King, on croyait à peu près tout savoir. Sans doute parce que Presley a accolé les trente-et-un film qu’il a tournés en 1956 et 1969 à autant d’albums et que même s’il n’a jamais brillé vraiment à l’écran en tant que comédien, le moindre des numéros musicaux qui se succédaient à l’écran prenait pour ses fans la dimension d’un authentique morceau d’anthologie. Le roi du rock a quant à lui été immortalisé jusqu’ici dans quelques tranches de vie anecdotiques sinon un téléfilm de John Carpenter exploité en salle dans une version raccourcie, Le roman d’Elvis (1979) dans lequel son rôle était tenu par l’un des acteurs fétiches du cinéaste, Kurt Russell, couronné d’un Primetime Emmy pour sa composition. Il a été campé par la suite dans la mini-série Elvis (2005) de James Steven Sadwith par Jonathan Rhys Meyer, lauréat quant à lui d’un Golden Globe, puis par Michael Shannon dans Elvis & Nixon (2016) de Liza Johnson, également récompensé à diverses reprises pour sa prestation. Michael St. Gerard (Elvis, 1990), Dale Midkiff (Elvis and Me, 1988) et quelques autres ont eux aussi tenté l’aventure avec plus ou moins de succès. Le biopic que lui consacre aujourd’hui Baz Luhrmann est toutefois le premier à lui donner la vedette sur grand écran depuis sa mort prématurée survenue à l’âge de 42 ans au cours de l’été 1977. Avec en prime la figure tutélaire du fameux Colonel Parker sans lequel le rocker n’aurait sans doute pas accompli la carrière fabuleuse qui a été la sienne. Un personnage énigmatique à souhait que campe aujourd’hui un Tom Hanks rondouillard façon culbuto en mentor menteur d’Austin Butler qui ne démérite pas du tout quant à lui dans le rôle-titre pourtant écrasant.
Austin Butler et Olivia de Jonge
Le réalisateur australien révélé par Ballroom Dancing (1992) est littéralement mangé aux mythes. Il attaque donc Elvis bille en tête, comme il l’a déjà fait pour Roméo + Juliette (1996), Moulin Rouge (2001) et Gatsby le magnifique (2013). Et comme d’habitude, sa contribution au denier du culte ne peut laisser indifférent ni par la puissance de ses partis-pris, ni par l’ampleur de sa mise en scène. Baz Luhrmann choisit d’adopter du sulfureux colonel Tom Parker afin de dépeindre la figure iconique du chanteur à la fois en respectant la légende et en rendant hommage à un homme qui se montrait très lucide quant à la piètre qualité des rôles qu’il avait tenus à l’écran et espérait sincèrement corriger le tir en étant le partenaire de Barbra Streisand dans le remake d’Une étoile est née qu’interpréta finalement Kris Kristofferson. Elvis est comme la plupart des films de son auteur une brillante succession de morceaux de bravoure portés par des standards indémodables qui s’inscrivent dans le contexte troublé des années 60, prétexte à l’impresario paranoïaque du King pour l’empêcher de quitter le territoire des États-Unis en invoquant des questions de sécurité. Ironie du sort pour une bête de scène surnommée “Elvis the Pelvis” dont le film nous montre à quel point son déhanché animal exerçait un attrait rien moins qu’érotique sur un auditoire féminin frustré de jouissance par une société alors en proie à un puritanisme d'une autre époque. Cette fresque au tempo syncopé s'impose en cela comme une description narquoise de l'American Way of Life à la lumière de ses contradictions les plus spectaculaires.
Jean-Philippe Guerand
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