Avrio pernao apenanti Film franco-gréco-luxembourgo-néerlandais de Sepideh Farsi (2019), avec Marisha Triantafyllidou, Hanaa M. Issa, Vassilis Koukalani, Lydia Fotopoulou, Alexandros Vardaxoglou, Vaia Kathiotou… 1h21. Sortie le 15 juin 2022.
Hanaa M. Issa
Mutée d’Athènes à Lesbos, une policière grecque se trouve confrontée à la détresse des migrants en transit vers d’autres destinations. Malgré son sens du devoir, elle ne peut taire ses états d’âme. C’est dans ce contexte qu’elle croise la route de Yussof, un jeune Syrien dont la famille a été massacrée. Ensemble, ils vont retrouver un sens à leur vie dans une Grèce en proie à une crise endémique qui n’a plus beaucoup de perspectives à offrir aux voyageurs de passage. Remarquée pour Red Rose (2014), la réalisatrice iranienne en exil Sepideh Farsi est une citoyenne du monde qui signe là son sixième long métrage de fiction depuis Le voyage de Maryam (2003). Elle s’y attache une fois de plus à des personnages déracinés aux prises avec un monde en ébullition qui n’a que peu de perspectives à leur offrir. Les protagonistes de Demain, je traverse ont ainsi en commun un besoin de se situer dans le monde pour trouver l’équilibre qui leur fait défaut. Ironie du sort, la cinéaste y met en scène une gardienne de l’ordre tiraillée entre sa mère et sa fille qui se trouve confrontée à une sorte de mondialisation de la détresse contre laquelle elle se découvre impuissante.
En abordant cette problématique géopolitique d’un point de vue résolument humain voire sentimental et même sensuel, Sepideh Farsi esquisse deux portraits pétris d’humanité dont s’emparent avec délicatesse leurs interprètes : l’actrice grecque Marisha Triantafyllidou, vue au dernier Festival de Cannes dans Dodo de Panos H. Koutras, et le comédien syrien Hanaa M. Issa, déjà remarqué dans le film d’Elia Suleiman It Must Be Heaven (2019). L’alchimie qui se forme entre ces deux natures confère à Demain, je traverse une rare puissance émotionnelle, en donnant un caractère universel à cette tragédie si solidement ancrée dans un monde méditerranéen en perte de repères. Entre cet homme qui fuit la guerre et cette femme qui sent son destin lui échapper en raison de la fameuse “crise grecque” s’établit une complicité d’autant plus intense que l’un et l’autre semblent ballottés par des circonstances qui les dépassent. Dès lors, en choisissant de traiter ce sujet sur un plan purement affectif, la réalisatrice esquisse avec subtilité les contours d’un autre monde possible, plus généreux et plus altruiste, où l’individu pourrait reprendre les rênes de sa destinée afin de rebâtir un monde meilleur. L’universalité de son propos mérite d’être saluée comme elle le mérite.
Jean-Philippe Guerand
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