Haeojil Gyeolsim Film sud-coréen de Park Chan-wook (2022), avec Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo, Park Yong-woo, Jung-hyun Lee… 2h18. Sortie le 29 juin 2022.
Le cinéaste sud-coréen Park Chan-wook demeure indissociable du film qui lui a valu une gloire planétaire et a même suscité un remake homonyme de la part de Spike Lee : Old Boy (2003), l’histoire d’un otage qui s’évade de sa geôle coupée du monde afin d’essayer de comprendre pourquoi et par qui il a bien pu être séquestré pendant vingt ans sans que quiconque ait semblé s’en émouvoir. Avec Decision to Leave, il s’offre une coquetterie : un hommage au film noir tel qu’il se pratiquait dans les années 40 et 50 qui lui a valu un très légitime Prix de la mise en scène au festival de Cannes. Son noyau central est une confrontation entre une mystérieuse Chinoise soupçonnée d’être liée à la mort suspecte de son mari, qui est tombé du sommet d’une montagne, et le policier chargé de faire toute la lumière sur cette ténébreuse affaire. Le flic n’étant pas vraiment insensible au charme de la suspecte, reste à savoir qui va l’emporter de son instinct de fin limier ou de son émoi personnel. De cet argument singulier, Park Chan-wook tire une intrigue filandreuse à souhait dont il explore les multiples ramifications en témoignant d’une gourmandise de connaisseur qui passe par une mise en scène d’une rare élégance.
Park Hae-il et Tang Wei
Tout est beau dans cette construction d’une sophistication extrême. Decision to Leave est un plaisir d’esthète dont l’enjeu dramatique s’avère rapidement secondaire par rapport au dispositif qui l’accompagne. Son intrigue s’intègre dans les paysages contrastés des montagnes et de l’océan, comme si la nature avait son rôle à jouer dans cette romance a priori impossible. Park Chan-wok s’appuie sur un postulat qu’il développe à l’extrême, en mobilisant pour cela l’artillerie lourde sur le plan artistique et en ordonnant ses diverses composantes pour nous prendre au piège d’un véritable torrent esthétique. Dans la grande tradition de l’art asiatique, la mise en scène souligne l’harmonie profonde qui règne entre les êtres humains et la nature qui les environne. Comme si leur destin était lié aux éléments, donc à une synergie qui les dépasse mais les conditionne à leur insu. Un retour aux origines qui évoque évidemment l’art graphique d’Hokusai, mais aussi la puissance occulte accordée à un environnement qui conserve une aura intacte en Asie, y compris dans les pays les plus avancés sur le plan technologique. Ce film en est l’illustration magistrale dans un contexte familier qui joue ici de son exotisme à tout crin.
Jean-Philippe Guerand
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