Documentaire israélien de Shlomi Elkabetz (2021), avec Ronit Elkabetz, Miriam Elkabetz, Eli Elkabetz, Simon Abkarian, Gilbert Melki, Shlomi Elkabetz… 1h48 + 1h40. Sortie le 29 juin 2022.
Ronit Elkabetz
Frère et sœur, Shlomi et Ronit Elkabetz ont réalisé à quatre mains, et autant d’yeux que d’oreilles, trois films marquants sur le poids écrasant des traditions au sein de la société israélienne et leur incidence sur la condition féminine : Prendre femme (2004), Les sept jours (2008) et Le procès de Viviane Amsallem (2014). La disparition prématurée de sa sœur aînée en avril 2016 à l’âge de 51 ans a inspiré à son cadet un documentaire fleuve en forme de requiem qui s’attache autant à l’actrice qu’à la femme, la sœur et la mère, avec cette confrontation entre Ronit, digne héritière de ses actrices méditerranéennes de légende que furent Anna Magnani et Irène Papas, et Viviane, la combattante qu’elle incarne dans leur trilogie emblématique. Shlomi Elkabetz assemble pour. cela les images qu’il a filmées au fil des années : extraits de making of et home movies assemblés dans une dynamique qui compose le portrait magistral d’une femme qui est allée au bout d’elle-même pour s’imposer comme l’une des plus vibrantes actrices de sa génération, sans jamais cesser de s’émerveiller du paysage qu’elle voyait de ses fenêtres parisiennes ou des facéties de ses jumeaux, alors même qu’elle combattait le cancer qui devait l’emporter.
Shlomi, Miriam et Ronit Elkabetz
Cahiers noirs est bien davantage qu’un Biopîc : un témoignage précieux sur une femme prodigieuse qui a joué jusqu’au bout de ses forces en y mettant toute son âme. Un diptyque ordonné par thèmes et par fonctions qui passionnera toutes celles et ceux que fascine l’art dramatique. Avec en filigrane la mort au travail et ses ravages progressifs sur un corps qui résiste de toutes ses forces. C’est la grande qualité de Shlomi que d’avoir tant aimé Ronit qu’il a entrepris très tôt de l’observer, quitte à nous offrir aujourd’hui un véritable discours de sa méthode où l’on comprend mieux comment ils ont réalisé en binôme leurs trois films, l’un stimulant l’autre sans relâche par son regard davantage que par ces mots dont il apparaît si avare. Cahiers noirs I – Viviane s’attache à l’actrice à travers son double de fiction, alors que Cahiers noirs II - Ronit s’attache à cette femme qui est allée jusqu’au bout de sa passion pour marquer le cinéma de son empreinte indélébile et a consacré ses ultimes forces à se préparer à un rôle ultime devenu son Saint Graal : celui de la cantatrice Maria Callas, disparue quant à elle à… 53 ans. Ce film en deux parties est un témoignage unique et bouleversant dans lequel le très discret Shlomi Elkabetz rend tout ce qui lui revient à cette sœur qui était aussi expansive qu’il était réservé, parce qu’il avait choisi l’ombre lorsque sa glorieuse aînée vibrait dans la lumière. Cahiers noirs est un film magistral dans lequel ils demeurent indissociables l’un de l’autre. Post mortem, mais pour l’éternité.
Jean-Philippe Guerand
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