Film belgo-italien de Susanna Nicchiarelli (2020), avec Romola Garai, Patrick Kennedy, John Gordon Sinclair, Felicity Montaigu, Karina Fernandez, Emma Cunniffe, Oliver Chris, Philip Gröning… 1h47. Sortie le 4 mai 2022.
Romola Garai
Singulière initiative que de s’attacher à la fille cadette de Karl Marx, personnage romanesque qui se battit à la fois pour les droits des femmes et l’abolition du travail des enfants. L’entourage des grands hommes est d’ailleurs souvent déterminant comme révélateur de leur personnalité. Eleanor dite “Tussy” apparaît par ailleurs comme une personnalité déterminante qui a consacré sa vie à perpétuer l’œuvre de son père, théoricien du communiste installé à Londres, donc à bonne distance de l’espace géographique où ses idées devaient infuser et faire florès. C’est aussi une authentique suffragette avant l’heure qui affirme son féminisme précurseur à travers sa féminité. Un personnage tel que les affectionne notre époque et auquel l’histoire n’avait sans doute pas accordé jusqu’à présent la place que méritait son engagement. Une vie également romanesque où l’on croise la publication posthume des œuvres de son père, les premières traductions en langue anglaise de Gustave Flaubert et Henrik Ibsen, mais aussi une passion fatale. Un rôle écrasant interprété par l’actrice Romola Garai, révélée naguère par François Ozon dans le rôle-titre d’Angel (2007).
Romola Garai et Patrick Kennedy
Il n’y a rien de pittoresque dans le Biopic de la réalisatrice italienne Susanna Nicchiarelli que sa curiosité insatiable a mené de l’animation au documentaire avant de se consacrer pleinement à la fiction. On y retrouve des échos de son opus précédent, Nico, 1988 (2017). Comme Eleanor Marx, l’égérie de la Factory était une combattante. Cette modernité, le film l’exprime par des anachronismes bien tempérés et notamment une bande originale confiée à Gatto Ciliegia contro il Grande Freddo, qui a arrangé des morceaux de Liszt et de Chopin, et au groupe de punk rock Downtown Boys (qui se définit lui-même comme marxiste), légitimement distingués par un David di Donatello. Une licence artistique qui souligne la modernité de cette femme qui a réussi à perpétuer la noblesse de son nom en poursuivant l’œuvre de son père, sans se soumettre pour autant exclusivement à sa pensée. Ce film parfois ironique a le mérite d’exalter une femme libre que sa disparition prématurée à la veille du vingtième siècle a empêché d’être considérée par la postérité comme une précurseur à part entière. Miss Marx atteste du contraire avec élégance.
Jean-Philippe Guerand
Romola Garai
Commentaires
Enregistrer un commentaire