Lunana : A Yak in the Classroom Film bhoutanais de Pawo Choyning Dorji (2019), avec Sherab Dorji, Ugyen Norbu Lhendup, Kelden Lhamo Gurung, Pem Zam, Tshering Dorji, Sangay Lham, Chimi Dem, Oriana Chen, Tashi Dema… 1h49. Sortie le 11 mai 2022.
Récemment en lice pour l’Oscar du meilleur film étranger, L’école du bout du monde suit l’affectation d’un jeune instituteur au fin fond d’un des pays les plus mystérieux de la planète, le Bhoutan, célèbre pour avoir substitué au fameux produit national brut cher aux économistes en une unité de mesure ô combien plus poétique qui reflète sa philosophie existentielle : le bonheur national brut. Le périple de huit jours qui l’y mène constitue déjà en soi une authentique randonnée initiatique pour ce garçon urbain (à tous les sens du terme), sur le point d’émigrer en Australie, qui va être accueilli dans cette vallée reculée comme un homme providentiel et devenir la coqueluche de cette cinquantaine de villageois riverains perdus au pied des glaciers de l’Himalaya. En congé du monde moderne et loin de ses proches, sans électricité, sans téléphone et le plus souvent sans soleil, il va vivre quant à lui à Luana une épreuve de vérité apaisant et souriante. Pawo Choyning Dorji signe avec ce film un magnifique spécimen de cinéma du réel dans lequel il est parfois difficile de distinguer la réalité de la fiction, tant le lieu conditionne les comportements de ses protagonistes, par son éloignement de toute forme de civilisation traditionnelle.
Le contraste est saisissant entre ces villageois coupés de tout qui se fichent bien d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte et cet homme détenteur du savoir venu d’ailleurs, mais pourtant originaire du même pays, qui nourrit de tout autres desseins et va se prendre au jeu de ses hôtes si accueillants. Dès lors, le film distille un discours dont la portée s’avère universelle, en montrant qu’il existe bel et bien une alternative viable au matérialisme qui mène le reste du monde. Le jeune homme respecté parce qu’il incarne le savoir va lui-même beaucoup apprendre au contact de ces compatriotes éloignés de tout qui croient encore à des valeurs élémentaires. En cela, L’école du bout du monde relève autant de la fable d’apprentissage que du témoignage ethnographique et réussit à transformer cet échange de bons procédés en un Feel Good Movie pavé des meilleures intentions. On y retrouve d’ailleurs beaucoup de la bienveillance réconfortante et comme anachronique qui avait contribué naguère au succès du premier film bhoutanais diffusé à l’étranger : La coupe (1999) du pionnier Khyentse Norbu. C’est peut-être le signe que le paradis existe, même s’il est loin de chez nous.
Jean-Philippe Guerand
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