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“Junk Head” de Takahide Hori



Film d’animation japonais de Takahide Hori (2017), avec les voix de Takahide Hori, Hamdullah Saat, Yuji Sugiyama, Atsuko Miyake… 1h41. Sortie le 18 mai 2022.





Ce film-là ne ressemble vraiment à aucun autre. D’abord parce que ses protagonistes s’expriment dans un sabir sibyllin ponctué de borborygmes pourtant dûment sous-titrés. Ensuite parce qu’il s’appuie sur une technique éprouvée de l’animation née en même temps que le cinématographe : le stop-motion qui consiste à progresser image par image pour donner l’illusion du mouvement, sans atteindre toutefois une fluidité parfaite. Il a donc fallu pas moins de sept ans à son auteur pour venir à bout de ce projet atypique que constitue Junk Head, lui-même précédé par le court métrage presque homonyme Junk Head 1 qui a attiré l’attention de bon nombre de professionnels lors de sa mise en ligne sur Youtube avant de remporter le prix du meilleur film d’animation au festival international du court métrage de Clermont Ferrand en 2014. Plus de cent quarante mille images pour un travail de titan devenu instantanément un film culte tant son esthétique et sa genèse échappent à toutes les normes en vigueur.





Dans un monde futur, l’humanité a réussi à atteindre l’immortalité, mais a perdu en contrepartie son pouvoir de procréation, ce qui ne peut la mener que vers une extinction annoncée. Dans les entrailles de la terre, la révolte gronde parmi les clones mutants qui menacent de s’emparer du pouvoir… De ce sujet ambitieux qui aurait pu donner lieu à un film de science-fiction bourré d’effets spéciaux, le réalisateur Takahide Hori, peintre, décorateur d’intérieur et directeur artistique de formation, tire une sorte de conte philosophique à l’humour souvent iconoclaste, mais au message universel. Une dystopie portée par un humour au second degré et un parti pris formel très fort qui consiste à jouer sur une gamme chromatique réduite afin de créer un univers oppressant dans les entrailles de la terre. Junk Head est en cela un film qui mérite plus qu’aucun autre le qualificatif d’underground par son atmosphère et l’omniprésence de l’asphalte et du béton, seul le rouge du sang venant symboliser la vie. Avec en prime des personnages dépourvus d’yeux qui doivent exprimer leurs émotions par un autre moyen. Voici un film résolument atypique qui pourrait bien susciter d’autres vocations par la richesse de son inventivité, l’universalité de son propos et un savoureux humour pince-sans rire.

Jean-Philippe Guerand








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