Film français de Michel Hazanavicius (2022), avec Matilda Lutz, Bérénice Bejo, Romain Duris, Finnegan Oldfield, Luàna Bajrami, Grégory Gadebois, Jean-Pascal Zadi, Raïka Hazanavicius, Raphaël Quenard, Marie Petiot, Lyes Salem, Agnès Hurstel… 1h51. Sortie le 17 mai 2022.
Grégory Gadebois et Matilda Lutz
C’est l’histoire d’un tournage à l’arrache. Celui d’un film de zombies aux effets spéciaux réalisés en direct à grand renfort d’imagination. Une série B sous le signe du système D. Cinéphile émérite, Michel Hazanavicius prend un malin plaisir à rendre hommage à ses maîtres. Après avoir célébré le temps du muet dans The Artist (2011), qui lui a valu l’Oscar du meilleur réalisateur, pastiché Jean-Luc Godard dans Le redoutable (2017), transposé en Tchétchénie Les anges marqués de Fred Zinnemann dans The Search (2014), et signé deux versions vintages des aventures d’OSS 117, le réalisateur culte de La classe américaine s’attaque cette fois au remake d’un film culte du réalisateur japonais Shin’ichirô Ueda, exploité en France en vidéo sous le titre… Ne coupez pas ! (2017). Son principe repose sur la mise en abyme du tournage en temps réel d’un film qui nécessite de la part de l’équipe de d’autant plus d’ingéniosité de la part de l’équipe qu’il est diffusé en direct. Avec en prime une véritable invasion de morts-vivants qui sème la confusion, sans qu’on distingue la fiction de la réalité.
Bérénice Bejo, Matilda Lutz et Finnegan Oldfield
Coupez ! se déroule en trois parties qui montrent successivement le film dans son intégralité, son tournage et la façon dont l’équipe fait face à l’attaque des zombies, sans toujours distinguer les vrais des faux. Hazanavicius pousse le mimétisme jusqu’à baptiser ses personnages de patronymes japonais. Au point qu’on finit par ne plus y prêter attention, alors même que les personnages comme leurs interprètes sont français. On ne s’étonne pas davantage que les réactions deviennent disproportionnées, que l’hémoglobine coule à flots et que chacun se défoule en se disant que c’est pour la noblesse de l’art. La construction du film joue sur les multiples artifices inhérents au cinéma. Comme si la mise en scène d’Hazanavicius prenait de plus en plus de recul sur ce qu’elle montre, quitte à relativiser le danger que représentent les véritables zombies pour une équipe assujettie aux impératifs techniques et logistiques d’une réalisation ordonnée dans les conditions du direct comme les affectionnait la télévision de l’âge d’or. L’outrance est de rigueur. Elle constitue même le principe de cette comédie de genre dont on connaît peu d’autres exemples dans un cinéma français peu enclin à cet exercice de style. Connaisseur émérite, Hazanavicius y excelle avec la complicité d’une troupe de comédiens qu’il entraîne dans l’emphase, de Romain Duris en metteur en scène en chemise hawaïenne à Bérénice Bejo, Finnegan Oldfield, Luàna Bajrami et Grégory Gadebois dans des contre-emplois savoureux ou l’ineffable Jean-Pascal Zadi en ingénieur du son désabusé.
Jean-Philippe Guerand
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