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“Ogre” d’Arnaud Malherbe



Film franco-belge d’Arnaud Malherbe (2019), avec Ana Girardot, Giovanna Pucci, Samuel Jouy, Albertine Rivière, Yannik Mazzilli, Hubert Delattre, Fabien Houssaye, Félix Malherbe… 1h43. Sortie le 20 avril 2022.



Ana Girardot et Samuel Jouy



Une mère célibataire et son fils unique viennent s’installer dans un village du Morvan dont les habitants accueillent chaleureusement cette nouvelle institutrice. Dans la forêt voisine, les chasseurs traquent un mystérieux prédateur qui s’attaque au bétail, tandis qu’une rumeur évoque la présence d’un ogre… Avec ce premier film à l’univers visuel très affirmé, Arnaud Malherbe revendique sa prédilection pour les atmosphères délétères et son goût prononcé pour l’étrange. Son approche du fantastique évoque le cinéma de Fabrice du Welz et de Lucile Hadzihalilovic par son ancrage dans la tradition et un goût affirmé pour un étrange nourri des contes de fées qui passe par une vision angoissante de l’enfance comme terreau de la terreur. Tout n’est que suggestion dans cet Ogre dont le titre revendique cette filiation. L’intelligence du film est de mettre en parallèle le déracinement de la mère et de son fils avec un cadre champêtre qui se prête aux fantasmes. Arnaud Malherbe joue pour cela sur deux éléments artistiques récurrents : la photo glacée de Pénélope Pourriat et la musique du compositeur danois Flemming Nordkrog.



Giovanna Pucci



Arnaud Malherbe impose un imaginaire qui s’appuie en tant que tel sur des traumatismes liés à l’enfance. Il construit son récit comme une immersion psychanalytique puissante, en utilisant en virtuose des images chargées de symbolisme. Avec ce décalage qui s’installe petit à petit entre une réalité prosaïque où le village accueille sa nouvelle institutrice (merveilleuse Ana Girardot !), tandis que son petit garçon s’enfonce simultanément dans ses fantasmes qu’on imagine nourris de ses lectures et d’un vécu enfoui dans son inconscient. Résultat : un film qui s’appuie sur les codes du conte de fées pour fantasmer des situations somme toute rationnelles dans leur contexte. Vision d’un petit citadin en immersion dans un cadre rural où la nature propose autant de merveilles que de motifs de terreur. C’est par cette logique implacable que s’impose ce cauchemar éveillé, mis en scène avec une science étudiée du suspense par un metteur en scène qui connaît ses classiques et n’hésite pas à citer une référence incontournable dans ce registre : La nuit du chasseur de Charles Laughton. Avec cette idée subliminale que la vérité sort bien souvent de la bouche des enfants et que les adultes seraient avisés d’y prêter davantage attention.

Jean-Philippe Guerand







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