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“Ma famille afghane” de Michaela Pavlátová



My Sunny Maad Film franco-slovaquo-tchèque de Michaela Pavlátová (2021), avec (voix) Zuzana Stivínová, Shahid Maqsoodi, Shamla Maqsoodi, Eliska Balzerova, Hynek Cermák Berenika Kohoutová… 1h20. Sortie le 27 avril 2022.





En 2001, une jeune mariée d’origine tchèque décide de suivre son époux à Kaboul où elle subit au quotidien le sort réservé aux femmes afghanes dans le pays pourtant libéré provisoirement du joug des Talibans. La première originalité de ce film est de s’inspirer d’un roman autobiographique de la journaliste de guerre Petra Procházková porté à l’écran par sa compatriote Michaela Pavlátová. C’est donc un regard extérieur que portent ces deux femmes sur ce monde fermé. Ici se trouve la singularité de ce film d’animation qui s’inscrit dans la lignée de deux autres tentatives dans ce domaine. Ce langage permet par son universalité et sa stylisation de faire passer un message qui ne pourrait se satisfaire ni du documentaire, trop rébarbatif pour toucher un large auditoire, ni même de la fiction traditionnelle qui aurait buté sur la représentation de la condition féminine “de l’intérieur”. En cela, ce film en rappelle deux autres, d’une tonalité assez différente, malgré un contexte relativement proche : Parvana, une enfance en Afghanistan (2017) de Nora Twomey et l’adaptation par Zabou Breitman et Éléa Gobbé-Mévellec des Hirondelles de Kaboul (2019) de Yasmina Khadra, qui se déroulaient l’un et l’autre sous le régime des Talibans, première période.





Comme il est d’usage depuis quelques années, le cinéma d’animation a étendu son champ d’investigation à des sujets adultes voire parfois graves que sa liberté d’expression lui permet d’aborder avec davantage de puissance d’évocation que ne le pourraient le faire un documentaire ou une fiction traditionnels. Un mouvement amorcé avec cette œuvre hybride que constituait Valse avec Bachir dont Ari Folman expliquait que son traitement graphique lui avait permis de pallier à l’absence totale d’images des massacres perpétrés dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila. En se montrant ainsi plus fort que la vie par ce stratagème, le cinéma s’est donné les moyens de combler des lacunes laissées béantes, le plus souvent par des criminels inspirés par la doctrine nazi selon laquelle effacer les traces de ses crimes empêche de se les voir imputés. Petra Procházková procède aussi ainsi pour toucher le public le plus large possible en soulevant un coin du voile sur ce que c’est que de vivre prisonnière d’une burqa obligatoire dans une société archaïque qui aimerait réduire les femmes à leur seule fonction de reproductrices, en leur interdisant d’avoir accès à des valeurs aussi fondamentales que l’instruction ou la séduction. C’est ce que démontre brillamment cette chronique d’un enfermement intérieur, couronnée du Prix du jury à Annecy et nommée au Golden Globe. Une sorte de vision subjective au féminin singulier dont la violence psychologique contraste avec la douceur, l’élégance et l’harmonie du graphisme.

Jean-Philippe Guerand




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