Film français de Louda Ben Salah-Cazanas (2021), avec Aurélien Gabrielli, Louise Chevillotte, Saadia Bentaïeb, Jacques Nolot, Léon Cunha da Costa, Mikaël Chirinian, Noémie Schmidt, Isabelle Prim, Ayumi Roux, Hyacinthe Blanc, Anne Loiret… 1h25. Sortie le 20 avril 2022.
Aurélien Gabrielli et Louise Chevillotte
Un jeune Lyonnais part tenter sa chance bille en tête à Paris, une ville clairement au-dessus de ses modestes moyens. Concept éternel qui inspira maints romans à Honoré de Balzac et tant d’autres, mais aussi bien des films. Mais contrairement à Rastignac et Rubempré, Labidi a des velléités de s’imposer comme écrivain dans un monde sans doute trop matérialiste pour les insatiables rêveurs. Alors il est coursier à vélo et occupe une chambre de bonne en colocation dans un revival éternel de la bohème où le romantisme n’a que peu de place. Pour son premier film, présenté l’an dernier à la Berlinale, Louda Ben Salah-Cazanas a décidé de renouer avec la chronique d’apprentissage la plus traditionnelle. Il exprime pour cela un sentiment qui est celui de nombre de jeunes gens de sa génération confrontés à un monde impitoyable où il est de plus en plus ardu de se frayer une place pour celles et ceux qui nourrissent des ambitions artistiques ou intellectuelles. On retrouve là un ton naturaliste qui fut celui de tous ces jeunes cinéastes adeptes de l’autofiction désireux de témoigner de leur propre parcours dans des premiers films souvent teintés d’éléments autobiographiques.
Léon Cunha da Costa et Aurélien Gabrielli
Avec son titre qui fait écho au Prix Goncourt de Nicolas Mathieu “Leurs enfants après eux”, Le monde après nous s’impose comme une chronique à la première personne du singulier qui évoque aussi les opus les plus récents de Philippe Garrel par sa façon d’immerger un personnage dans un milieu auquel il est totalement étranger. On y retrouve d’ailleurs la comédienne Louise Chevillotte qui fut son interprète dans L’amant d’un jour (2017) et Le sel des larmes (2020). Quant à son alter ego, il est incarné par Aurélien Gabrielli, admirable comédien encore peu connu dont le jeu minimaliste confère à son personnage une densité attachante, tant ses états d’âme reflètent les incertitudes d’une génération confrontée à un avenir sans doute plus incertain qu’il ne l’a jamais été. Il personnifie par son innocence les méfaits de l’ubérisation au sein d’une société où la précarité est devenue endémique. Sur le plan formel, la mise en scène s’en remet avant tout à des personnages sur lesquels la caméra s’attarde, comme pour essayer de comprendre leurs motivations à travers leurs comportements, conférant au réalisateur le regard d’un entomologiste attentionné. Cette tranche de vie s’avère d’une rare justesse par son universalité.
Jean-Philippe Guerand
Commentaires
Enregistrer un commentaire