Der Fall Collini Film allemand de Marco Kreuzpaintner (2019), avec Elyas M’Barek, Alexandra Maria Lara, Heiner Lauterbach, Franco Nero, Jannis Niewöhner, Rainer Bock, Manfred Zapatka, Catrin Striebeck… 2h03. Sortie le 27 avril 2022.
Elyas M’Barek et Alexandra Maria Lara
On assiste depuis quelques années dans le cinéma allemand, et plus largement dans les sphères les plus éduquées de la société, à une sorte de sursaut mémoriel. Avec pour objectif de passer l’histoire douloureuse du Troisième Reich au crible de la postérité, en assumant frontalement un passé collectif longtemps caché sous le tapis par ses survivants afin de pouvoir achever leur existence le plus paisiblement possible et de dédouaner les nouvelles générations des crimes de leurs aînés. C’est dans un best-seller publié en 2011 par l’avocat Ferdinand von Schirach, lui-même petit-fils du dirigeant des Jeunesses hitlériennes, condamné à vingt ans de prison lors du procès de Nuremberg, que L’affaire Collini trouve sa source. Ce spécialiste émérite du droit criminel y évoque les conséquences de la loi Dreher votée en 1968 qui a exempté de leurs fautes des dizaines de milliers de survivants du régime hitlérien et bâillonné en quelque sorte juridiquement une part non négligeable de l’histoire allemande. Une tentative d’effacement de l’histoire qui s’est heurtée au fil du temps à la réalité, notamment quand des chasseurs de nazis, dont les époux Beate et Serge Klarsfeld, ont réussi à débusquer des criminels de guerre impunis, réfugiés pour certains en Amérique du Sud, pour d’autres au Moyen-Orient, dont certains ont fini par être jugés et condamnés pour leurs crimes, en soulageant les descendants de leurs victimes et en contribuant à aider l’Allemagne moderne à se mettre en paix avec ses démons passés pour mieux se reconstruire.
Franco Nero et Elyas M’Barek
Précédé par Le labyrinthe du silence (2014) de Giulio Ricciarelli, qui se déroulait quant à lui à la fin des années 50, le film de Marco Kreuzpaintner s’attache au combat d’un avocat pour dénoncer cette chappe de plomb qui a empêché tout un pays d’affronter son passé, en interdisant aux jeunes générations de procéder à un effort de résilience capital. Un sujet devenu depuis quelques années récurrent au sein d’un cinéma allemand soucieux de pointer le péché originel de ceux qui ont décrété qu’il était temps de tirer un trait sur les crimes du passé, alors même que les bourreaux survivants occupaient encore des postes stratégiques dans les plus hautes sphères de la République fédérale d’Allemagne, en empêchant ainsi leurs compatriotes de se soumettre à un devoir de mémoire devenu leur meilleur passeport pour l’avenir. Fabrizio Collini (campé par le vétéran Franco Nero) a ainsi accompli un crime qui ne peut prendre tout son sens qu’à la lumière d’une histoire rattachée à son contexte historique. Il a par ailleurs pour défenseur un avocat commis d'office, lui-même issu de l'immigration, qui se sent concerné par ce cas, même s’il se réfère à une époque qu’il n'a pas vécue et à une histoire dont il a hérité par naturalisation. Dès lors, son jugement comme un vulgaire criminel de droit commun devient à ce point absurde qu’il fait abstraction de son véritable mobile rendu caduc par une décision de justice inepte. Une aberration que dénonce ce film classique à la mécanique implacable qui revêt une portée universelle, tant sa jurisprudence peut faire figure de modèle pour tous les peuples confrontés aux crimes impunis de leurs aïeux.
Jean-Philippe Guerand
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