Film franco-belge de Fabrice du Welz (2021), avec Benoît Poelvoorde, Mélanie Doutey, Alba Gaïa Bellugi, Janaïna Halloy Fokan, Anaël Snoek, Jackie Berroyer, Catherine Salée… 1h38. Sortie le 6 avril 2022.
Jeanne est l’héritière d’un célèbre éditeur. Son mari Marcel est quant à lui un écrivain reconnu qui vit sur la réputation de son roman “Inexorable”. Alors, quand le couple et sa fille unique s’installent dans l’imposante demeure familiale dont l’épouse vient d’hériter, une inconnue sortie de nulle part s’introduit dans leur intimité et y prend de plus en plus de place, sous couvert de rendre divers services à la communauté qui tombe peu à peu sous sa coupe. Adepte des films tirés au cordeau qui se déroulent dans une ambiance délétère, le réalisateur belge Fabrice du Welz tisse ici une toile de plus en plus étouffante, en observant l’ascendant que prend progressivement une jeune fille visiblement perturbée sur une famille dont elle sape peu à peu les fondations. Celle par qui le scandale arrive, c’est la vénéneuse Alba Gaïa Bellugi, révélée à l’âge de 10 ans par Jean-Pierre Améris dans Je m’appelle Elisabeth (2006) et remarquée depuis dans plusieurs séries et mini-séries télévisées aussi marquantes que “3xManon” (2014), “Manon 20 ans” (2017), “Une île” (2019), “Le bureau des légendes” (2015-2020) et “Into the Night” (2020-2021). Ses victimes, ce sont Benoît Poelvoorde et Mélanie Doutey.
Mélanie Doutey
Fabrice du Welz s’y entend pour créer une atmosphère poisseuse et crapoteuse. Il procède ici avec une méthode particulièrement efficace, en montrant comment une sauvageonne s’insinue dans l’intimité d’un couple bourgeois et en vient à menacer sa frêle harmonie, en attaquant le mari par son point faible : son roman “Inexorable” qu’il porte à la fois comme un titre de gloire et un fardeau trop lourd dont le poids semble l’empêcher de rebondir. Couronné aux festivals de Gand et de Strasbourg, ce thriller façonné comme une mécanique de précision se présente en fait comme la chronique d’une possession. C’est un aboutissement logique pour son réalisateur qui n’a eu de cesse de creuser ce sillon depuis son premier film, Calvaire (2004), en traquant les divers visages de la peur. Il atteint ici une sorte de point de non-retour en poussant ses personnages dans leurs ultimes retranchements. Après avoir confronté Benoît Poelvoorde aux amants tragiques d’Adoration (2019), il persiste dans cette voie avec une radicalité assumée qui inscrit le film dans une veine régulièrement visitée par le cinéma anglo-saxon, mais rarement dans un contexte aussi anxiogène et surtout avec une telle perversité.
Jean-Philippe Guerand
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