Vayehi Boker Film israélo-français d’Eran Kolirin (2020), avec Alex Bachri, Juna Suleiman, Salim Daw, Eihab Salame, Khalifa Natour, Isabelle Ramadan, Samer Basharat, Doraid Liddawi, Yara Elham Jarrar… 1h41. Sortie le 13 avril 2022.
Alex Bachri et Juna Suleiman
De retour pour le mariage de son frère dans le village arabe de son enfance où il est accueilli en véritable fils prodigue, Sami se retrouve prisonnier avec sa femme et son fils, lorsque l’armée israélienne coupe le lieu du monde en y disposant des checkpoints, sans la moindre explication rationnelle. Une situation absurde qui va attiser les tensions et l’incompréhension ambiante. Et il y eut un matin est l’adaptation d’un roman de Sayed Kashua par un réalisateur qui a vécu des expériences extrêmes avec ses trois longs métrages précédents. Au triomphe international du premier, La visite de la fanfare (2007), adapté en comédie musicale à Broadway, ont succédé The Exchange (2011), puis Au-delà des montagnes et des collines (2016) qui n’a même pas été distribué en France malgré sa sélection cannoise dans la section Un certain regard. Il s’attelle aujourd’hui à une sorte de conte philosophique qui pointe l’absurdité de la réalité israélienne contemporaine et de la situation de la communauté palestinienne.
Juna Suleiman et Alex Bachri
Comme il en a pris l’habitude, Eran Kolirin adopte le ton de la fable pour disserter sur une situation géopolitique inextricable dont ses personnages sont les victimes plus passives qu’actives. Le réalisateur pratique par ailleurs en orfèvre le mélange des genres, en allant même jusqu’à émailler son récit de ruptures de ton parfois radicales. Derrière un ton parfois résolument absurde, le film entend montrer des individus en proie à une situation qui les dépasse. À l’instar de ce soldat israélien chargé de veiller sur un point de contrôle qui ne peut s’empêcher de s’assoupir et applique de toute évidence des ordres qui dépassent son entendement autant que son sens du devoir. Et il y eut un matin distille un ton parfois badin qui s’échappe dans quelques envolées poétiques, à l’image de ces colombes qui refusent de décoller, comme si elles refusaient d’assumer le poids du symbole qu’elles représentent. Chez Eran Kolirin, même les volatiles semblent posséder une conscience morale et ils ne se privent pas de le manifester quand on leur en fournit l’occasion. Il souffle sur ce film volontiers frondeur une délicieuse brise de subversion qui ne l’empêche pas pour autant de proposer une réflexion qui va bien plus loin qu’elle n’en a l’air.
Jean-Philippe Guerand
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