El empleado y el patrón Film uruguayo-argentino-brésilo-français de Manuel Nieto Zas (2021), avec Nahuel Pérez Biscayart, Cristian Borges, Fátima Quintanilla, Justina Bustos, Carlos Lacuesta, Jean-Pierre Noher, Virginia Méndez… 1h46. Sortie le 6 avril 2022.
Nahuel Pérez Biscayart
Parce qu’il s’est fait remarquer en France pour ses rôles dans 120 battements par minute (2017) de Robin Campillo, Au revoir là-haut d’Albert Dupontel ou plus récemment Les leçons persanes (2020) de Vadim Perelman, on avait fini par s’habituer à considérer Nahuel Pérez Biscayart comme un acteur français. Employé / patron lui donne aujourd’hui l’occasion de retrouver sa terre natale, l’Argentine, pour une étude de mœurs qui prend pour cadre une exploitation agricole que son patron se démène pour garder à flots, alors même qu’il vient de devenir père d’un enfant à la santé précaire. Le jour où il recrute pour lui venir en aide un jeune père aux abois, c’est leur destin commun qui va basculer dans une véritable tragédie sur fond de lutte des classes. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs l’an dernier, ce film dépouillé met en lumière la face cachée de ces grandes exploitations qui composent le paysage de l’Uruguay comme de l’Argentine et ont été immortalisées dans tant d’épopées sur fond de pampa sauvage. Rien de cela ici. Manolo Nieto Zas s’attache au contraire aux obscurs et aux sans-grade qui constituent les forces vives de l’agriculture de ce pays où la viande fait l’objet d’un véritable culte, mais où son prix est parfois exorbitant pour les petits éleveurs broyés par la mondialisation.
Justina Bustos, Cristian Borges et Nahuel Pérez Biscayart
Le troisième film de Manuel Nieto Zas s’inscrit dans un cadre aussi familier que dépaysant. Ses protagonistes n’y sont ni des grands propriétaires terriens ni même des notables. Juste des hommes qui tentent de survivre à la mondialisation en vivant de leur terre aussi honnêtement que possible, au rythme de cadences infernales et de sacrifices personnels inhumains. Une véritable entreprise de survie qui contraint ses protagonistes à faire fi des barrières sociales pour lutter de concert contre les représentants des castes supérieures qui les méprisent souverainement. Employé / patron décrit une sorte d’union tacite entre deux hommes qui appartiennent à la même génération et partagent le fait d’avoir des responsabilités de jeunes pères, mais évoluent dans des mondes séparés par un rideau de verre. Jusqu’au moment où le destin vient brouiller la donne de cette entente idyllique et souligner à quel point ces deux hommes vulnérables sont devenus dépendants l’un de l’autre. Dès lors la critique sociale se confond avec l’étude de mœurs et accule les personnages dans leurs ultimes retranchements. En utilisant des images bien connues de la pointe Sud du continent américain, ce tableau de mœurs intègre propose une variation originale autour de l’organisation de la société dans un monde déshumanisé où les sentiments ne sont que de peu de poids face à la dictature du travail contraint.
Jean-Philippe Guerand
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