Documentaire français de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (2021), avec David Bérillon, Charlotte Saudrais, Erwan Schamaneche, Michelle Kirebe, Nathanaël Marante, Ketsia Chayni Obame, Maxime Auber… 1h54. Sortie le 13 avril 2022.
Thierry Demaizière et Alban Teurlai n’ont pas leur pareil pour établir une empathie hors du commun vis-à-vis des sujets auxquels ils s’attachent. Ils passent pourtant à chaque nouveau projet dans une nouvelle dimension, comme l’attestent leurs deux premiers films : Rocco sur l’acteur porno Siffredi et Lourdes sur la cité des miracles. Derrière son titre cocardier, mais plus explicite qu’il ne pourrait y paraître de prime abord, Allons enfants s’attache à un groupe de jeunes de banlieue qui se défoulent dans le hip-hop. Un sujet pas vraiment inédit si l’on s’en réfère aux films qu’ont consacré récemment à cette danse urbaine Nabil Ayouch dans Haut et fort et Philippe Béziat avec son documentaire Indes galantes voire Cédric Klapisch dans En corps, en mode virtuose. Il émane pourtant une énergie supplémentaire d’Allons enfants qui vient d’ailleurs de lui valoir une consécration inédite, puisqu’il fera l’objet dès cet automne d’une version fictionnée par Mohamed Hamidi sous le titre Turgot. Le fait est que Demaizière et Teurlai, guidés par le film du pionnier Jean-Pierre Thorn Faire kifer les anges (1996), abordent systématiquement ce genre comme un lieu de vie et excellent à en extraire des histoires profondément humaines par l’attention particulière qu’ils portent à leurs protagonistes et ce qu’on ne voit pas, des liens qu’ils tissent hors tournage pour en extraire leur vérité humaine.
Allons enfants est né de l’initiative du proviseur du lycée Turgot à Paris qui a décidé d’intégrer des élèves des quartiers populaires et de conjurer la fatalité de leur échec scolaire annoncé en développant des enseignements alternatifs. Parmi ceux-ci le hip-hop. Un pari pédagogique audacieux, dans la mesure où cette section d’excellence sportive a entraîné une émulation et une stimulation parmi les élèves dont les résultats scolaires s’en sont ressentis. C’est cette expérience unique dont rend compte ce film conçu comme un portrait de groupe impressionniste et bienveillant. La notion même d’intégration y prend tout son sens à travers des personnalités attachantes qui passent du rire aux larmes et de l’enthousiasme au découragement, sans que jamais les réalisateurs ne versent dans l’apitoiement ou la complaisance. Le maître du jeu est un pédagogue investi de sa mission qui croit en l’école de Jules Ferry et perpétue à sa façon l’esprit des fameux hussards de la république pour lesquels l’instruction constituait un authentique sacerdoce. La jeunesse qu’on voit vivre et palpiter sous nos yeux reflète en outre une génération pétrie de valeurs plus saines qu’elles ne l’ont jamais été où les filles ne s’en laissent pas conter par des garçons encore imprégnés d’une longue tradition de machisme. C’est toute la force de ce portrait de groupe constellé de caractères attachants et parfois rebelles d’envisager l’avenir avec le sourire.
Jean-Philippe Guerand
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